Antidépresseurs

Photo de Budgeron Bach sur Pexels.com

Le terme “antidépresseur”

Le terme “antidépresseur” est un terme impropre car :

* D’une part, il recouvre une variété de molécules différentes avec donc différents types de mode d’action.

* D’autre part, on utilise les antidépresseurs pour des indications très diverses qui ne sont pas forcément en lien avec une dépression (ex : troubles anxieux, TOC, stress post-traumatique, douleurs, etc. cf. infra).

Ces 2 raisons combinées entrainent beaucoup de confusion sur ces molécules qui sont souvent considérées à tort comme des “calmants” et souvent confondu avec les anxiolytiques.

Quelles sont les indications des antidépresseurs ?

Les antidépresseurs ont une “Autorisation de Mise sur le Marché” (AMM) pour :

  • Le traitement et la prévention de la récidive d’un épisode de dépression
  • Le traitement et la prévention de la récidive d’un trouble anxieux
  • Le traitement des troubles obsessionnels compulsifs (TOC)
  • Le traitement de certains troubles du comportement alimentaire (boulimie)
  • Le traitement de certaines douleurs (neuropathiques, migraines, céphalées)
  • Le traitement de l’énurésie nocturne chez l’enfant (le fait d’uriner au lit la nuit)

Par ailleurs les praticiens entrainés les utilisent aussi parfois pour agir spécifiquement sur certains symptômes (l’impulsivité, l’irritabilité, l’éjaculation précoce, etc.) en mettant à contribution certaines de leur caractéristiques pharmacologiques.

Il est important de noter que tous les antidépresseurs n’ont pas forcément l’AMM pour toutes les indications cités plus haut. A titre d’exemple, la Sertraline va avoir une AMM pour la dépression, les troubles anxieux, les TOC, alors que la Fluoxetine va avoir une AMM aussi pour la boulimie, et l’Amitriptyline en aura une aussi pour l’énurésie et les douleurs, etc. Ainsi les antidépresseurs ne sont pas forcément interchangeables, certains fonctionnent pour une indication et pas une autre par exemple.

Qu’elle est l’efficacité des antidépresseurs ?

Elle est variable selon les troubles. A titre d’exemple, on considère que dans la dépression environ 40% des patients vont “répondre” (c’est à dire diminuer leurs symptômes au moins de moitié) à une 1ère ligne d’antidépresseur. A chaque nouvelle ligne on retrouve 40% de “répondeurs”, ce qui signifie qu’une petite proportion de patient peut ne pas répondre à plusieurs lignes de traitement. Les taux de “répondeurs” varient donc selon les indications, avec par exemple seulement 25% des patients présentant un Etat de Stress Post-Traumatique (ESPT) qui répondent à la 1ère ligne de traitement.

Se pose par conséquent la question de l’intérêt d’en prendre puisque l’efficacité n’est pas garantie et qu’il faudra peut être plusieurs essais pour trouver la “bonne” molécule. Les études sont claires sur la réponse à donner à cette question : effectivement les antidépresseurs ne règlent pas tout, cependant lorsque le trouble est modéré ou sévère, ils apportent un bénéfice suffisant pour qu’il soit logique de les essayer car le risque de laisser la maladie évoluer sans traitement (ou avec un traitement insuffisamment efficace) est trop grand (risque d’aggravation du trouble, risque suicidaire, risque social comme la perte d’emploi, risque familial avec le risque de séparation, etc.).

Quels sont les différents types d’antidépresseurs ?

Il en existe 6 familles différentes. De nombreux patients rapportent avoir “tout essayé” pourtant lorsqu’on leur demande de réaliser un “chimiogramme” (c’est à dire un listing de leurs traitements antérieurs) on se rend compte assez souvent qu’ils n’ont essayé que deux ou trois “familles” de traitement. Pour ces patients cela peut être intéressant de leur proposer des traitements appartenant à une famille qu’ils n’ont pas essayés.

Il est important de noter que c’est le rôle du psychiatre que d’évaluer pour chaque molécule l’intérêt que cela peut représenter pour le patient en évaluant la balance bénéfice-risque et en essayant de proposer le traitement qui semble le plus adapté aux symptômes du patient. Cependant dans un grand nombre de cas il est très difficile de savoir “cliniquement” quelle molécule proposer et même s’il peut se guider de son expérience et de la littérature scientifique, il n’est pas encore possible de personnaliser totalement la prescription avec une molécule dont on serait “sur” qu’elle fonctionnerait pour un patient donné. De nombreux travaux sont en cours sur ce sujet pour permettre d’établir des “cartes génétiques” ou des “profils” qui permettraient de mieux choisir le traitement en le personnalisant, cela devrait arriver dans les années qui viennent.

Les antidépresseurs agissent sur différents neuromédiateurs impliqués dans la régulation de l’humeur.

1. Les Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine (ISRS)

Ce sont les traitements les plus répandus / les plus fréquemment prescrits car ils ont un très bon profil de sécurité. Certains peuvent être “stimulants” (et en général on les prends le matin), d’autres peuvent être “relaxants” (et on les prend logiquement le soir) tandis que d’autres seront plutôt neutres. Il faut cependant noter que ces effets (stimulation, relaxation, etc.) sont très variables d’un individu à l’autre et qu’un antidépresseur réputé stimulant peut avoir des effets sédatifs chez certains, et qu’un antidépresseur relaxant peut être très excitant chez un autre.

Les ISRS ont plusieurs indications : dépression, trouble anxieux, TOC, boulimie (pour la Fluoxetine), etc.

Les molécules en question sont (princeps / générique) :

  • Prozac® / Fluoxetine
  • Zoloft® / Sertraline
  • Floxyfral® / Fluvoxamine
  • Deroxat® / Paroxetine
  • Seroplex® / Escitalopram
  • Seropram® / Citalopram
Comment ça marche ?Une des hypothèses classique dans la dépression (mais aussi dans les troubles anxieux, les TOC, etc.) serait qu’en augmentant la Sérotonine dans la synapse, cela permettrait de mieux faire fonctionner les aires cérébrales entre elles, et notamment cela permettrait de stabiliser le système limbique (zone du cerveau impliquée dans les émotions). Cela repose sur l’hypothèse qu’il pourrait exister un “déficit” en Sérotonine chez les personnes atteintes de dépression (on sait cependant que d’autres neuromédiateurs peuvent aussi êtres impliqués chez certains patients).

Les ISRS vont ainsi augmenter la Sérotonine dans la synapse (par un mécanisme complexe qui consiste à éviter que la Sérotonine soit “recaptée” par le neurone à l’origine de sa libération dans la synapse), ce qui augmente la probabilité qu’il puisse se fixer sur les neurones impliqués dans la régulation des émotions.

A forte dose, certains ISRS perdent leur sélectivité et agissent aussi sur la libération / inhibition de la recapture de la Dopamine.

2. Les Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline (IRSNa)

Il s’agit de molécules un peu plus récentes, qui ressemblent beaucoup aux ISRS mais qui agissent aussi sur la Noradrénaline. Ces molécules sont réputées plus “stimulantes” mais la encore cela varie beaucoup d’une personne à l’autre.

Les molécules en question sont (princeps / générique) :

  • Effexor® / Venlafaxine
  • Cymbalta® / Duloxetine
  • Ixel® / Milnacipran

Les IRSNa ont plusieurs indications : dépression, trouble anxieux, etc. et certains d’entre eux ont une AMM concernant les douleurs neuropathiques (Duloxetine)

Comment ça marche ?Les ISRNa vont augmenter la Sérotonine et la Noradrénaline dans la synapse (par le même mécanisme que celui décrit pour les ISRS), ce qui augmente la probabilité que ces 2 neuromédiateurs puisse se fixer sur les neurones impliqués dans la régulation des émotions ou de la douleur

3. Les tricycliques

Il s’agit de molécules plus anciennes, avec parfois plus d’effets indésirables, mais qui peuvent dans certaines situation avoir des effets antidépresseurs puissants et fonctionner alors que les ISRS ou les IRSNa ne fonctionnent pas. Ces molécules sont souvent proposées le soir (sauf pour l’Imipramine) car elles ont des effets parfois sédatifs.

Les molécules en question sont (princeps / générique) :

  • Anafranil® / Clomipramine
  • Laroxyl® / Amitriptyline
  • Imipramine® / Tofranil

Elles ont une efficacité sur les troubles dépressifs et douloureux (notamment Amitriptyline), certaines ont aussi l’indication dans l’énurésie nocturne chez l’enfant

Comment ça marche ?Les tricycliques vont augmenter la Sérotonine et la Noradrénaline dans la synapse (par le même mécanisme que celui décrit pour les ISRS mais sans être sélectifs, ils agissent ainsi de manière plus importante sur d’autres neuromédiateurs), ce qui augmente la probabilité que ces 2 neuromédiateurs puisse se fixer sur les neurones impliqués dans la régulation des émotions ou de la douleur

4. Les tétracycliques, aussi appelés anti-alpha 2

Ces molécules sont souvent utilisées soit en complément des IRSNa (ou moins fréquemment des ISRS) soit en monothérapie surtout au coucher car elles améliorent le sommeil.

Les molécules en question sont (princeps / générique) :

  • Norset® / Mirtazapine
  • Athymil® / Mianserine

Elles ont une efficacité sur les troubles dépressifs et les troubles du sommeil

Comment ça marche ?Les anti-alpha 2 vont augmenter la Sérotonine et la Noradrénaline dans la synapse (par un mécanisme différent de celui des ISRS ou des IRSNa, notamment en antagonisant certains récepteurs qui vont permettre d’augmenter la transmission de Sérotonine et de Noradrénaline), ce qui augmente la probabilité que ces 2 neuromédiateurs puisse se fixer sur les neurones impliqués dans la régulation des émotions ou de la douleur

5. Les IMAO

Il s’agit des premiers antidépresseurs, et probablement des molécules les plus efficaces. Elles sont utilisées en 3ème ou 4ème intention car il existe de nombreuses interactions médicamenteuses ou alimentaires, possiblement dangereuses. Seuls les médecins travaillant dans un centres hospitaliers peuvent les prescrire car ils s’agit de molécules soumises à Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) c’est à dire avec une surveillance particulière et une délivrance uniquement dans les pharmacies hospitalière. Certaines ne sont plus commercialisées.

Ces molécules sont strictement contre-indiquées en associations avec d’autres antidépresseurs et nécessitent un régime alimentaire adapté (pauvre en tyramine).

Les molécules en question sont (princeps / générique) :

  • Marsilid® / Iproniazide
  • Nardil® / Phénelzine
  • Moclamine® / Moclobémide
  • Emsam® / Sélégiline
  • Parnate® / Tranylcypromine
Comment ça marche ?Les IMAO vont augmenter la Sérotonine, la Dopamine et la Noradrénaline dans la synapse (par en inhibant une enzyme, la monoamine oxydase, qui est impliquée dans la dégradation des neuromédiateurs), ce qui augmente la probabilité que ces 3 neuromédiateurs puisse se fixer sur les neurones impliqués dans la régulation des émotions ou de la douleur

6. Les “Autres” antidépresseurs

Il s’agit des antidépresseurs qui sont les seuls représentants de leur famille avec chacun un mécanisme d’action différent.

  • Mélatoninergique : le Valdoxan® / Agomélatine agit sur les récepteurs à la mélatonine et comme antagoniste de certains récepteurs qui impliquent la Sérotonine. Cette molécule est prescrite le soir au coucher. Certaines études retrouvent une efficacité spécifiquement de cette molécule pour traiter les symptômes d’anhédonie.
  • Inhibiteurs de la recapture de la Noradrénaline et de la Dopamine : le Zyban® / Bupropion agit en inhibant la recapture de la Noradrénaline et de la Dopamine. Cette molécule est prescrite le matin car elle peut être très stimulante. Certaines études retrouvent une efficacité spécifiquement de cette molécule pour traiter les symptômes d’anhédonie. Son action sur la Dopamine en fait un traitement aussi des addictions, notamment au tabac. En France, elle n’a pas l’AMM dans la dépression, elle a en revanche une AMM pour l’addiction au tabac, elle n’est par conséquent pas remboursée.
  • Multimodal : le Brintellix® / Vortioxétine agit sur de très nombreux récepteurs à la sérotonine, sur les transporteurs de la sérotonine, mais aussi sur d’autres neuromédiateurs (Noradrénaline, Dopamine, GABA, Glutamate, etc.). Il s’agit de la molécule la plus récente. Les études retrouvent un intérêt pour améliorer les performances cognitives. Par ailleurs elle présente un bon profil de tolérance notamment en ce qui concerne la prise de poids ou la libido.
  • Stimulateur hippocampique : le Stablon® / Tianeptine agit en augmentant la recapture de la sérotonine (effet opposée à l’action des ISRS) mais uniquement dans certaines régions amygdalo-hippocampiques. Cette molécule aurait aussi un effet sur l’accumulation de dopamine dans le noyau accumbens. Peu de praticiens utilisent encore cette molécule qui peut pourtant s’avérer utile dans certaines situations.
  • Inhibiteur de la recapture de la Noradrénaline : le Quitaxon® / Doxepine agit en inhibant assez spécifiquement la recapture de la Noradrénaline (et légèrement la Sérotonine). D’un point de vue moléculaire, il appartient cependant à la famille des tricycliques.

N.B. cette page a été écrite à l’aide du livre “Ordonnances en Psychiatrie et Pédopsychiatrie”
écrit par Alexis BOURLA et Florian FERRERI