
“Régulateurs d’humeur”
Aussi appelés “Stabilisateurs d’humeur” ou “Thymorégulateurs” ou “Normothymiques”
Les régulateurs d’humeur sont une classe de médicaments qui contient plusieurs “familles” de molécules différentes. Toutes ces molécules ont pour particularité de pouvoir “réguler” l’humeur, en d’autre terme :
1. Quand l’humeur est “trop basse” (autrement dit en dépression) les régulateurs permettent de la faire “remonter” (autrement dit ils ont comme des effets antidépresseurs)
2. Quand l’humeur est “trop haute” (autrement dit en phase hypomane ou maniaque) les régulateurs permettent de la faire “redescendre” (autrement dit ils ont des effets “antimaniaques”)
Il s’agit donc de la classe de traitement utilisé habituellement dans le traitement du trouble bipolaire qui est caractérisé par une alternance d’épisode dit “down” (c’est à dire de dépression) et d’épisode dit “up” (c’est à dire hypomane en cas de bipolarité type 2 ou maniaque en cas de bipolarité type 1) entrecoupés habituellement de phase ou le patient n’est ni down ni up (aussi appelé phase “euthymique” ce qui signifie que l’humeur est équilibrée / stable). Cependant vu que ces traitements ont des effets antidépresseurs, ils sont régulièrement utilisé également en dehors de la bipolarité, notamment en cas de dépression qui “résiste” aux traitements classiques.
Cette classe de traitement regroupe 3 familles de molécules :
- Lithium, qui est le seul représentant de sa famille
- Les anti-épileptiques (aussi appelés anti-convulsivants)
- Les antipsychotiques atypiques régulateurs d’humeur
1. Le Lithium
Le lithium est un métal naturellement présent dans l’environnement, on en trouve dans les sols (roches) et dans l’eau (on estime à 230 milliards de tonnes le lithum contenu dans les eaux marines). Il s’agit d’un élément-trace essentiel à une “bonne santé” et certaines études observationnelles permettent de corrélé les concentrations de lithium dans l’eau potable avec la longévité (référence ici) ou avec une diminution des taux de suicides (plus il y a de lithium dans l’eau potable d’une région, moins il y a de suicides dans la région, référence ici). Evidemment lorsqu’il est prescrit comme médicament, il l’est à des doses nettement supérieures à celles retrouvés dans la nature ou dans l’eau potable.
Il s’agit du traitement de référence des troubles bipolaires car le lithium a de très bons effets antidépresseurs et antimaniaques, ont dit qu’il s’agit d’un régulateur “d’en haut (en phase up) et d’en bas (en phase down)” (alors que certaines molécules fonctionnent mieux sur l’un des versant de la maladie). Son mécanisme d’action n’est pas encore totalement élucidé mais il existe déjà de très nombreux éléments qui permettent de comprendre comment il fonctionne :
- Modification de la conduction nerveuse
- Modification de l’activité du système sérotoninergique
- Augmentation de la neurotransmission
- Modifications intracellulaires
- Etc.
Il s’agit d’un traitement habituellement bien toléré mais qui peut entrainer chez un faible nombre de patients :
– Des effets indésirables “immédiats”, c’est à dire dans les jours / semaines qui suivent le début du traitement, notamment de léger tremblements fin des doigts (rare), ou des symptômes digestifs (accélération du transit)
– Des effets indésirables “différés”, c’est à dire liés à une exposition chronique prolongée (en général plus de 10, 20 ou 30 ans) notamment sur la thyroïde (risque d’hypothyroïdie par exemple) et sur le rein (risque d’insuffisance rénale augmenté par rapport à la population générale). Ces effets n’apparaissent que si le patient en prend pendant des années (et la seule raison d’en prendre pendant des années c’est si le traitement est efficace pour contrôler les symptômes de dépression).
Le lithium est considéré comme l’un des traitements les plus efficaces, avec une balance bénéfice-risque qui est nettement en sa faveur, même en prenant en compte le risque théorique sur le rein ou la thyroïde, car on considère que la dépression / bipolarité est un risque nettement plus grave qu’une atteinte rénale 25 ans après l’introduction du traitement, d’autant que cette atteinte ne touche qu’une petite proportion de patients.
Les difficultés liées au lithiums tiennent surtout au fait qu’il n’est pas possible de savoir à l’avance quelle est la dose nécessaire pour contrôler les symptômes. À l’instauration du traitement, plusieurs prises de sang (appelées “dosage de la lithémie”) sont donc réalisées dans le but de trouver la bonne dose.
Le lithium est utilisé aussi dans la dépression résistante chez les patients non atteint de trouble bipolaire, avec parfois une meilleure efficacité que les antidépresseurs. Cette molécule est compatible avec de nombreux autres traitements (antidépresseurs, antipsychotiques, etc.) et il est assez fréquent de la prescrire en association. Cependant il y a aussi des associations contre-indiquées (voir notice).
Enfin le lithium aurait un effet “neuroprotecteur” c’est à dire qu’elle diminuerait le risque de démence, ce qui explique qu’il n’y ai pas de contre-indication à proposer ce traitement y compris à des personnes âgées.
2. Les anti-épileptiques / anticonvulsivants
Les anticonvulsivants sont les traitements habituellement utilisés comme traitement de fond de l’épilepsie car ils “stabilisent” l’électricité cérébrale (et évitent donc qu’il y ait des décharges anarchiques à l’origine des crises d’épilepsie). Il n’est pas certain qu’ils produisent leurs effets stabilisateur d’humeur exactement par le même mécanisme car seuls certains anticonvulsivants peuvent réguler l’humeur.
On distingue les régulateurs qui sont surtout “d’en haut” (c’est à dire utilisés surtout dans les phases up / hypomanes / maniaques) et ceux qui sont surtout “d’en bas” (c’est à dire surtout antidépresseur), cependant pour un individu donné, un régulateur d’en haut peut aussi avoir des effets antidépresseurs et inversement pour les régulateurs d’en bas.
D’en haut | D’en bas |
Dépakote® / Dépakine® / Dépamide® = Acide Valproïque et dérivés Tégrétol® / Carbamazépine Trileptal® / Oxcarbazépine (hors AMM) Ces traitements sont efficaces dans le traitement des épisodes hypomanes, maniques et mixtes (lorsqu’il y a un mélange de symptômes “up” et “down” en même temps) | Lamictal® / Lamotrigine Ce traitement est très efficace pour le traitement des dépressions bipolaires (mais il est aussi régulièrement utilisé dans les dépressions unipolaires) |
Certaines notions sont importantes à connaitre :
– L’Acide valproïque et ses dérivés sont strictement contre-indiqués pendant la grossesse. Ils ne sont prescrit à une femme en âge de procréer que si elle a une contraception et dans le cadre d’un protocole de soin.
– La Lamotrigine est le seul anticonvulsivant utilisable pendant la grossesse sans crainte. pour information voir le site du Centre de Référence des Agents Tératogènes ici qui explique que : “L’utilisation de la Lamotrigine est possible quel que soit le terme de la grossesse à posologie efficace”. En revanche ce médicament présente une contrainte : il doit être introduit à une dose très basse (25 mg, parfois moins en fonction des autres traitements prescrits en même temps) et augmenté très lentement (tous les 15 jours) pour atteindre sa zone cible (entre 100 et 200 mg par jour) car il existe un risque d’allergie cutanée
Ces médicaments nécessitent une surveillance clinique et biologique régulière.
3. Les antipsychotiques atypiques
Les antipsychotiques atypiques régulateurs d’humeur sont régulièrement utilisés en monothérapie (c’est à dire seuls) ou en association. Ils sont détaillés sur la page dédiée aux antipsychotiques.
N.B. cette page a été écrite à l’aide du livre « Ordonnances en Psychiatrie et Pédopsychiatrie »
écrit par Alexis BOURLA et Florian FERRERI