Optimisation des paramètres de stimulation bilatérale : vaut-il mieux démarrer par la basse fréquence gauche ou par la haute fréquence droite ?

Dans les discussions sur les forums de patients consacrés à la rTMS, une question fréquemment soulevée est de savoir si certaines machines sont supérieures à d’autres ou si certains protocoles sont plus efficaces que d’autres. De nombreuses études cherchent ainsi à déterminer les meilleurs paramètres de stimulation, les protocoles et les cibles les plus efficaces. Et même s’il est actuellement difficile de déterminer avec certitude si certains protocoles sont supérieurs à d’autres, l’optimisation des paramètres de stimulation est cruciale pour maximiser l’efficacité de la rTMS. Cela implique l’ajustement de facteurs tels que la fréquence, l’intensité, la durée, le nombre de séances, la cible de stimulation, l’association de la rTMS à d’autres traitements en add-on, ou encore le séquençage des stimulations (autrement dit “par quel côté commencer ?”).

En 2021, une équipe de l’université Sun Yat-sen (Guangzhou, Chine) menée par Hao Li avait réalisé une méta-analyse en réseau incluant 49 essais (2941 patients) pour étudier les différentes techniques de neurostimulation (invasives, non invasives, convulsives ou non). Cette étude, publiée dans le Journal of Affective Disorders (rang B, IF à 6.533) a permis de mettre en évidence que plusieurs techniques étaient efficaces pour le traitement de la dépression résistante, avec notamment la mise en avant d’un protocole en Theta Burst bilatéral (cTBS sur le CPFDL droit suivi de iTBS sur le CPFDL gauche).

Forest plot of active treatments compared to the sham control. (A) Forest plot for response rate, the higher RR, the better

Les autres protocoles mis en avant par cette méta-analyse sont les protocoles en haute fréquence sur le CPFDL gauche (RR 2.18), en basse fréquence sur le CPFDL droit (RR 2.62) ainsi que les techniques de priming qui pourraient également avoir un intérêt.

Si l’on s’intéresse de plus près au protocole en Theta Burst bilatéral, l’étude de Cheng-Ta Li publiée en 2014 dans Brain (rang A, IF 15.255) est une référence. Il s’agissait d’une étude randomisée contrôlée comparant l’efficacité entre iTBS, cTBS, ou les deux. 60 patients résistants aux traitements souffrant de troubles dépressifs récurrents ont été randomisés en quatre groupes :

– Groupe A : cTBS
– Groupe B : iTBS
– Groupe C : cTBS puis iTBS
– Groupe D : stimulation sham

Après 2 semaines de traitement la dépression s’est améliorée dans tous les groupes avec une amélioration significativement supérieure dans les groupes B et C (même après avoir pris en compte l’âge et les scores de résistance). L’effet antidépresseur moyen était le plus élevé dans le groupe C, suivi par celui du groupe B. L’effet placebo était plus important chez les patients à faible niveau de résistance ce qui n’a pas été retrouvé chez les patients à résistance modérée à élevée (une corrélation existait entre les scores de résistance et la réponse au traitement).

De facto, ce protocole en Theta Burst Bilatéral a été utilisé pendant des années avec la séquences cTBS puis iTBS (donc stimulation à droite puis stimulation à gauche).

L’équipe de Hao Li a publié récemment une mise à jour de leur méta-analyse de 2021. Dans un article parut en décembre 2022 dans Frontiers in Psychiatry (rang C, IF 5.435) ils ont de nouveau fait une méta-analyse en réseau pour comparer divers protocoles, et de nouveau les protocoles bilatéraux semblent montrer une efficacité supérieure aux autres protocoles.

Quand on regarde le matériel supplémentaire de leur article, on retrouve les forest plot des analyses 2 à 2 et des analyses contre sham. Ces résultats sont particulièrement intéressants quand on connait la controverse qui oppose actuellement l’HAS et la communauté scientifique sur ce sujet (l’HAS ayant réalisé une méta-analyse sur 8 études dont 6 avec placébo actif et avec 3 études ne respectant pas les critères d’inclusion qu’elle avait elle même définie) puisqu’ils retrouvent un RR à 4.35 pour la Haute Fréquence sur le CPFDL gauche (avec un seuil de stimulation > 100% du SM alors qu’il n’est qu’à 2.12 pour les études avec une intensité moindre).

Appendix 4. Results from pairwise meta-analyses

Après avoir noté que les auteurs ont décidé de ne pas inclure dans leur analyse d’études utilisant le Theta Burst (ce qui est dommage et peu compréhensible vu leur analyse de 2021), la comparaison des différents protocoles en terme de réponse et de rémission permet d’établir le classement suivant (du plus efficace au moins efficace) :

– Haute Fréquence Gauche suivie de Basse Fréquence Droite
– Basse Fréquence Droite
– Basse Fréquence Droite suivie de Haute Fréquence Gauche
– Basse Fréquence Gauche suivie de Basse Fréquence Droite
– Haute Fréquence Gauche

Lorsque l’on regarde spécifiquement la réponse au traitement, les résultats sont relativement similaires si ce n’est que cette fois la Haute Fréquence Gauche arrive en 2ème alors que la Basse Fréquence Droite arrive en 4ème position. Autrement dit, et c’est contre-intuitif, la Haute Fréquence Gauche serait plus performante pour permettre la réponse au traitement, tandis que la Basse Fréquence Droite serait plus performante pour permettre la rémission.

Lorsqu’on s’intéresse aux SUCRA values (technique utilisée dans une méta-analyse pour évaluer l’impact d’une hypothèse ou d’une variable sur les résultats de la méta-analyse) On retrouve, pour le taux de réponse :

ProtocoleSUCRA Taux de réponse
Haute Fréquence Gauche suivie de Basse Fréquence Droite82.90%
Haute Fréquence Gauche69.20%
Basse Fréquence Droite suivie de Haute Fréquence Gauche62.90%
Basse Fréquence Droite 62.90%
Basse Fréquence Gauche suivie de Basse Fréquence Droite54.70%
Sham15.90%
Tableau 14 (Supplementary material) : SUCRA values for the efficacy in sensitivity analyses

Un SUCRA value de 82% pour une technique dans une méta-analyse signifie que la technique considérée a une probabilité de 82% d’être supérieure à toutes les autres techniques considérées dans l’analyse en termes d’efficacité, cela renforce donc la probabilité que cette technique soit réellement supérieure aux autres.

Un autre élément important issus de cette méta-analyse est la nettement moins bonne efficacité des stimulations à des intensités inférieures au seuil moteur (“sub”) puisque tous ces protocoles se situent en bas du classement. La stimulation Haute Fréquence Gauche “sub” est même située au niveau du Sham pour ce qui est de la réponse.

Limites de cette méta-analyse : cette étude est intéressante cependant il faut souligner plusieurs éléments. D’abord l’absence d’analyse des protocoles en Theta-Burst, absence qui semble étonnante d’autant plus que les autres méta-analyses sur le sujet (celles qu’ils avaient eux-mêmes faite en 2021, mais également la méta-analyse de Brunoni et al. publiée dans le JAMA psychiatrie en 2017) les intègrent. Ensuite lorsque l’on regarde le détail des études, on remarque que les études qui évaluent le protocole qui semble plébiscité (Haute Fréquence Gauche suivie de Basse Fréquence Droite) sont peu nombreuses … puisqu’il n’y en a en réalité qu’une seule : l’étude de William M. McDonald sortie en 2006 qui étudiait 2 groupes (un groupe HFG puis BFD et un groupe BFD puis HFG). Il est étonnant que cette étude ait un tel poids dans la méta-analyse, d’autant que lorsque l’on regarde cette étude de près, on constate que ses auteurs eux même émettaient des réserves sur cette conclusion : “Les résultats montrent une tendance à une meilleure réponse pour les sujets qui ont reçu en premier la Haute Fréquence Gauche […]. Ce résultat est probablement due au fait que les sujets de ce bras avaient moins de tentatives de traitements médicamenteux antérieurs et étaient moins malades“.

Conclusion : Hao Li et son équipe concluent leur dernière méta-analyse en expliquant que “la séquence Haute Fréquence Gauche puis Basse Fréquence Droite, ainsi que la Haute Fréquence Gauche avec une intensité de stimulation > 100% du SM, sont les deux meilleurs stratégies au sein des traitements rTMS les plus efficaces.“. Il s’agit d’un argument intéressant en faveur des protocoles bilatéraux, et une étude qui renforce le protocole Haute Fréquence Gauche. Cependant, l’absence dans l’analyse du Theta-Burst, et surtout le poids accordé à une seule étude incite à prendre cette méta-analyse avec précaution. Pour le moment, la majorité des protocoles bilatéraux suivent la séquence Basse Fréquence Droite puis Haute Fréquence Gauche (et c’est d’ailleurs cette séquence, droite puis gauche, qui est utilisée en Theta-Burst dans l’étude de Cheng-Ta Li). Plus d’études comparant le séquençage des protocoles semblent nécessaire avant de modifier la pratique en routine, mais cette méta-analyse est clairement un argument en faveur de la réalisation de ces études dans un avenir proche.

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