On estime que 2 à 3 % des Français souffrent de TOC, toutefois, ce chiffre est sans doute sous-estimé car certaines personnes atteintes ne consultent pas. Les TOC arrivent au quatrième rang des troubles psychiatriques les plus répandus, avec un retentissement parfois très important (retentissement sur les activités, émergence de comorbidités, notamment dépression et addictions, etc.). Les stratégies thérapeutiques sont bien étayées, notamment la psychothérapie et certains traitement médicamenteux, mais certains patients ne les tolèrent pas ou n’y ont pas accès. Dans ce contexte, la rTMS vient trouver une place dans l’escalade thérapeutique avec pas moins de 6 méta-analyses qui ont été publiées entre 2013 et 2021 pour évaluer l’efficacité de la rTMS pour traiter les TOC. Un récapitulatif de ces méta-analyses est rapporté dans le tableau suivant :
Année | Nombre d’études incluses | Nombre de patient | Echelle utilisée | Résultat | lien |
2013 | 10 RCT | 282 | Y-BOCS | Réponse dans le groupe rTMS 35% Réponse dans le groupe placébo 13% Protocole recommandé : – LF sur OFC – LF sur SMA | ici |
2016 | 15 RCT | 483 | NC | La rTMS est supérieure au placébo avec une taille d’effet moyenne (Hedge g à 0.45) Pas de protocole mis en avant Résultats hétérogènes | ici |
2016 | 20 études | 791 | NC | La rTMS est supérieure au placébo avec une taille d’effet moyenne (Hedge g à 0.71) Cibles recommandées : – DLPFC gauche g=0.47 – SMA g=0.56 – Bilateral DLPFC g=0.65 – DLPFC droit g=0.93 | ici |
2018 | 18 RCT | NC | Y-BOCS | La rTMS est supérieure au placébo avec une taille d’effet moyenne (Hedge g à 0.78) Protocole recommandé : LF sur SMA | ici |
2021 | 26 études | 781 | Y-BOCS | La rTMS est supérieure au placébo avec une taille d’effet moyenne (Hedge g à 0.64) Cible recommandée : Bilatéral DLPFC | ici |
2021 | 22 RCT | 698 | Y-BOCS | La rTMS est supérieure au placébo avec une MD (différence moyenne) : – HF sur DLPFC à 3.75 – LF sur SMA à 4.18 – LF sur DLPFC à 6.34 | ici |
En résumé : toutes les études montrent une supériorité de la rTMS sur le placébo. Il reste un débat sur la localisation de la cible. Si on fait une synthèse des résultats, il semble que les cibles à privilégier sont les suivantes (par ordre d’efficacité retrouvé dans la littérature) :
– LF sur le DLPFC (à priori à droite même si quelques études le faisaient à gauche)
– LF sur le SMA
L’hétérogénéité de la littérature reste importante ce qui explique que le niveau de recommandation de Lefaucheur reste de niveau C “efficacité possible”.
[MISE A JOUR SEPTEMBRE 2022]

Une méta-analyse publiée en septembre 2022 dans Comprehensive Psychiatry et disponible ici conclue après l’étude de 23 études sur l’utilisation de la rTMS dans les TOC que cette technique est un traitement efficace, mais surtout pour les patients qui ne résistent pas aux ISRS ou qui ne répondent pas à un seul essai d’ISRS (autrement dit les patients ayant un profil de résistance léger).
Par ailleurs ils soulignent également que la sévérité des symptômes dépressifs de base pourrait être un modérateur significatif de la taille de l’effet, autrement dit que plus un patient présente aussi des symptômes dépressifs, plus la rTMS pourrait être efficace.
Lorsqu’on étudie les 4 études ou la rTMS s’est montrée la plus efficace (Elbeh et al. 2016 A, Gomes et al. 2012, Seo et al 2015 et Shayganfard et al. 2017) cela vient cependant tempérer l’affirmation sur la résistance car les patients avaient reçu en moyenne :
- 4 traitements dans l’étude Shayganfard et al.
- 3 traitements dans l’étude Gomes et al.
- 3 traitements dans l’étude Seo et al.
- 1 traitement dans l’étude Elbeh et al.
Autrement dit, même dans les études ou le niveau de résistance est élevé, la rTMS peut être particulièrement efficace même si statistiquement il semble que moins la résistance est élevée, plus la rTMS est efficace. En réalité, comme on peut le voir dans leur analyse en sous-groupe en fonction de la résistance, les groupes de résistance élevé (3 et 4 essais de traitement) sont tirés vers le bas en raison d’études négatives ou non significatives :
- 2 études négatives sur 4 dans le groupe 3 essais
- 1 étude négative et 2 non significatives sur 8 dans le groupe 4 essais
Si l’on s’en tient à cette conclusion statistique, il est donc logique d’insister, comme le font les auteurs de l’article, sur le fait qu’il est sans doute préférable de mettre en œuvre la rTMS plus tôt dans le parcours de soins, et ne pas attendre des niveaux de résistance élevé.
Si l’on regarde de plus près les 2 études négatives du groupe 3 essais (Harika et al. 2019 et Pelissolo et al. 2016, qui appartenait tous 2 à la même équipe puisque Harika était dans l’équipe de Pelissolo avant de partir à Poitier) on remarque certains éléments dignes d’être mentionnés :
- Dans l’étude d’Harika et al. l’âge moyen est plus élevé (48.5 ans) que dans les autres études (toutes les autres ont un âge moyen inférieur à 40 ans, sauf l’étude de Pelissolo ou l’âge moyen est 42.3 ans). Concernant la technique, il s’agit d’une stimulation cTBS (la version inhibitrice du Theta burst, 600 pulses par séance à 70% du SM, pendant 6 semaines) sur l’aire motrice supplémentaire (SMA).
- Dans l’étude de Pelissolo et al. outre un âge moyen également supérieur à 40 ans, il s’agissait d’une stimulation basse fréquence 1 Hz sur le pre-SMA, 1500 pulses par jour, pendant 4 semaines.
A l’inverse quand on s’intéresse aux études positives, on constate que les cibles sont différentes, sauf dans l’étude de Gomes et al. qui est très similaire à l’étude de Pelissolo.
Etude | Cible | Paramètre |
Shayganfard et al. | Cortex préfrontal dorsolatéral Bilatéral | Stimulation bilatérale Haute Fréquence 20 Hz 100% du SM 750 pulses de chaque côté 5 jours par semaine Pendant 2 semaines |
Elbeh et al. | Cortex préfrontal dorsolatéral Droit | 1 Hz 100% du SM 4 trains de 500 impulsions Intervalle de 40s entre les trains 5 jours par semaine Pendant 2 semaines |
Gomes et al. | Pre-SMA | 1 Hz 100% du SM 1 200 impulsions / jour 5 jours par semaine Pendant 2 semaines |
Seo et al. | Cortex préfrontal dorsolatéral Droit | 1 Hz 100% du SM 4 trains de 500 impulsions Intervalle de 40s entre les trains 5 jours par semaine Pendant 3 semaines |
En conclusion : cette mise à jour confirme l’intérêt de la rTMS dans le traitement des TOC, et précise sa place dans la stratégie thérapeutique (utilisation plus précoce), même si l’analyse des études positives chez les patients présentant un haut niveau de résistance reste prometteuse. Il semble également qu’il existe un effet âge dépendant que les auteurs n’ont pas mis en avant. Enfin, cela met en avant la bonne efficacité d’une technique non répliqué à priori (stimulation bilatérale en HF 20Hz), qui nécessite plus d’investigation.
[MISE A JOUR FEVRIER 2023]

Une récente étude réalisée par une équipe italienne menée par Michele Di Ponzio et Stefano Palanti et parue dans Frontiers in Psychiatry (rang C, IF 5.435) en février 2023 propose un protocole original de traitement de certains troubles apparentés aux TOC (trouble d’accumulation, trichotillomanie, trouble d’excoriation) en se basant sur l’hypothèse que ces troubles pourraient partager des similarités neurobiologiques avec les addictions et donc que cibler le circuit de la récompense pourrait avoir un intérêt. Ils proposent ainsi un protocole de traitement qui rappelle fortement celui utilisé pour le traitement des troubles addictifs, puisque leur protocole est le suivant :
– 15Hz
– 2,400 pulses/jour
– 100% du SM
– 6 jours par semaine
– Pendant 4 semaines
– Donc 24 séances au total
– Sur le CPFDL gauche
Les 41 patients inclus dans l’étude (entre 13 et 14 par groupe) étaient tous traités par ISRS à des doses équivalentes à 30 mg de FLUOXETINE, et ils avaient de nombreuses comorbidités (dépression, TAG, TDAH, addictions, etc.).
Les résultats sont résumés dans ce tableau :

Cela permet de voir que tous les groupes ont eut des améliorations significatives avec plus de 50% d’amélioration en moyenne sur les échelles spécifiques utilisées (HRS, MGH et NE-YBOCS) et une amélioration également significative avec d’environ 30 points sur la SDQ (une échelle d’évaluation de la dépression).
Cette étude est l’une des première a évaluer l’efficacité de la HF 15Hz sur le CPFDL gauche chez les patients atteints de TOC. Elle met en évidence une réduction de la sévérité des symptômes > 35% (seuil habituellement retenue pour dire si un patient répond ou non au traitement). La plupart des études précédentes focalisaient sur la basse fréquence 1 Hz sur le CPFDL droit, et peu de résultats venaient appuyer la stimulation en HF du CPFDL sauf l’étude Shayganfard et al. 2017 qui retrouvait une efficacité de la stimulation bilatérale en 20Hz.
La rTMS en haute fréquence (15 HZ) sur le CPFDL est un traitement régulièrement utilisé pour le traitement de la dépendances, notamment à la cocaïne en raison de la modulation de l’activité dans les circuits de récompense sous-corticaux impliquant l’aire tegmentale ventrale du mésencéphale et le noyau accumbens. D’autres études montrent que la stimulation du CPFDL gauche influence le CCA, qui joue un rôle spécifique dans la prise de décision en matière de récompense et qui présente des altérations dans les TOC.
L’hypothèse d’un continuum allant de l’impulsivité à la dépendance en passant par la compulsivité est sous tendu par l’idée que la transition vers la dépendance implique un passage de l’hyperactivation du striatum ventral au striatum dorsal ainsi qu’une perte progressive du contrôle exécutif descendant (perte de fonction du CPF et du CCA).
En conclusion : il s’agit d’une étude supplémentaire allant dans le sens d’une stimulation HF du CPFDL gauche chez des patients souffrant d’un certain type de TOC.