Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble psychiatrique qui peut survenir chez des personnes qui ont été exposées à un événement traumatique direct (violence, accident, attentat, agression sexuelle, désastre naturel, etc.) ou indirect (par le biais d’images, ou en apprenant le traumatisme d’un proche) mettant en jeu la vie ou l’intégrité physique ou émotionnelle. On estime que près de 6% de la population générale sera touchée par le TSPT (données vies entières), avec des taux plus élevés chez les personnes exposées à des situations à risque, telles que les militaires, les secouristes, les policiers, etc.

Les symptômes du TSPT sont souvent regroupés en quatre catégories : les reviviscences (flashbacks, cauchemars), l’évitement (éviter les lieux, les personnes ou les situations liées au traumatisme), une dégradation de l’humeur et des fonctions cognitives (irritabilité, perte d’intérêt pour les activités, pensées négatives sur soi-même ou les autres, troubles de la concentration et de la mémoire, etc.) et l’hypervigilance (impression permanente d’être sur le qui-vive et en danger). Ces symptômes peuvent être très perturbants pour la vie quotidienne, entraînant des difficultés professionnelles, relationnelles et sociales. Le TSPT est considéré comme un trouble grave en raison de son impact sur la qualité de vie et du risque élevé de comorbidités telles que la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil et les problèmes de consommation de substances. Les personnes souffrant de TSPT sont plus susceptibles de tenter de mettre fin à leur vie, ce qui souligne la nécessité de traitements efficaces pour ce trouble.
Les approches thérapeutiques actuelles pour le TSPT incluent la psychothérapie, telle que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la thérapie d’exposition prolongée, ainsi que des médicaments tels que les antidépresseurs. Cependant, 35% à 50% des patients ne répondent pas à ces traitements, ce qui souligne la nécessité de développer de nouvelles approches thérapeutiques.
Dans ce contexte, trois thérapies dites “augmentées” ont retenu notre attention :
– La thérapie augmentée par la Kétamine
– La thérapie dite de blocage de la reconsolidation au Propranolol
– La thérapie augmentée par rTMS
Une méta-analyse récente publiée dans The Journal of Clinical Psychiatry (rang B, IF à 5.906) a examiné l’association de la Kétamine et de la psychothérapie en réalisant une revue systématique et une méta-analyse de toutes les publications sur ce sujet. Quatre études ont été inclus (pour un total de 34 patients). Les études ont utilisé différentes méthodes d’administration de la kétamine et de psychothérapie. Dans deux des études, les patients ont reçu 12 séances de thérapie d’Interventions de Trauma utilisant l’Extinction et la Reconsolidation Basées sur la Pleine Conscience (TIMBER) sur une période de 10 semaines, en association avec une dose unique de kétamine administrée au moment de la psychothérapie. Dans la troisième étude, les patients ont reçu 10 séances hebdomadaires de thérapie par Exposition Prolongée, en association avec trois doses hebdomadaires de kétamine administrées 24 heures avant les trois premières séances. La dernière étude a consisté en 5 séances quotidiennes de thérapie d’exposition pendant une seule perfusion de kétamine. Les résultats ont montré une réduction significative des symptômes du TSPT pour les deux mesures utilisées dans les études : l’échelle d’évaluation du TSPT administrée par un clinicien (CAPS) et la Liste de vérification du TSPT (PCL). La taille d’effet moyenne pondérée (SMD) pour le CAPS était de -7,26 (p = 0,005 ; IC à 95 %, -12,28 à -2,25), tandis que la SMD pour le PCL était de -5,17 (p < 0,001 ; IC à 95 %, -7,99 à -2,35).
Le TSPT se caractérise par des souvenirs intrusifs associés à une importante charge anxieuse et neurovégétative (sueurs, tachycardie, etc.). La théorie de la reconsolidation mnésique suppose que la récupération d’un souvenir dans certaines conditions entraîne sa labilité et donc que son stockage ultérieur (appelé reconsolidation) peut être altéré par ce qui se passe au moment de la ré-évocation du souvenir. Autrement dit, le fait de faire émerger à la conscience un souvenir traumatique ouvre une “fenêtre” pour modifier les sensations qui lui sont associées. C’est dans ce contexte que la thérapie dite du “blocage de la reconsolidation mnésique par le Propranolol” a émergé ces dernières années mais les interventions avec cette molécule ont montré des résultats mitigés, certaines montrant une amélioration des symptômes tandis que d’autres n’y parviennent pas. Une équipe australienne menée par Luke R. Johnson a réalisé une revue systématique et une méta-analyse publiée dans Journal of Psychiatric Research (rang C, IF 5.25) pour déterminer l’efficacité de cette technique. 3224 publications ont été évaluées pour leur éligibilité et sept études sur les effets du propranolol sur les symptômes du TSPT ont été inclues, ainsi que trois études sur les effets du propranolol sur les réponses physiologiques au stress. Dans l’ensemble, les résultats indiquent un résultat mitigé avec finalement un faible effet sur les symptômes du TSPT (différence moyenne standardisée : 1,29 ; IC 95% = -2,16 – 0,17), et un absence d’influence sur la conductance cutanée (différence moyenne standardisée : 0,77 ; IC 95% = -1,85 – 0,31). Cependant, le propranolol a significativement réduit la fréquence cardiaque après le rappel traumatique par rapport au placebo (différence moyenne standardisée : 0,67 ; IC 95% = -1,27 à -0,07). Un large essai clinique français sur le sujet a été réalisé récemment (étude Paris Mem) menée par le Pr. Bruno Millet et devrait permettre d’apporter des réponses plus précises sur l’efficacité de cette technique.
Enfin une autre approche consiste à associer la neurostimulation pour renforcer l’apprentissage de l’extinction de la peur. Ce mécanisme a déjà été démontré chez des participants sains ou phobiques. Par exemple, une étude a utilisé la rTMS à haute fréquence (HF-rTMS) pour améliorer l’apprentissage de l’extinction chez des patients souffrant d’acrophobie. Ainsi associer exposition et rTMS pourrait avoir un intérêt chez les patients anxieux. De même, la rTMS peut réduire les ruminations et améliorer le contrôle cognitif (comme dans la dépression). On sait déjà que la régulation des émotions est souvent caractérisée par une hypoactivité du réseau frontal-pariétal (notamment au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral gauche) et une hyperactivité du réseau par défaut (Default Mode Network DMN). La rTMS améliore la connectivité des réseaux, ce qui favorise le contrôle cognitif. Par ailleurs, la rTMS pourrait également influencer la réponse au stress via l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) puisque des études ont montré des effets sur l’activation de l’amygdale et la sécrétion de cortisol après stimulation du cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC). Enfin, la neuroinflammation aussi peut être améliorée par la rTMS et on sait qu’elle peut participer à la résistance au traitement et à la sévérité des symptômes.
En 2021 une revue de la littérature parut dans Therapeutic Advances in Psychopharmacology (rang C, IF 4.988) retrouvait que plusieurs études avaient montré les bénéfices de l’association de la rTMS et d’un traitement psychothérapeutique. Une étude (Kozel FA et al. 2018) a étudié l’association de la rTMS basse fréquence (LF) sur le cortex préfrontal dorsolatéral droit (DLPFC) avec un traitement Cognitive Processing Therapy CPT (une forme de TCC) dans un essai randomisé contre placébo/sham. La rTMS était administrée juste avant les séances de CPT, et les scores CAPS (critère principal) et PCL (critère secondaire) étaient mesurés après les 5e et 9e traitements et lors de suivis à 1, 3 et 6 mois. Les deux groupes ont montré une amélioration du TSPT, mais le groupe avec rTMS active a présenté une réduction des symptômes plus importante avec des effets qui ont persisté chez 57% des participants ayant terminé le suivi de 6 mois.
Une autre étude pilote (Isserles M et al. 2013) a examiné l’effet de la deep TMS (dTMS, casque H1) sur le cortex préfrontal médian (mPFC) combiné à une exposition brève, avec l’hypothèse que la dTMS après l’exposition contribuerait à l’extinction des souvenirs de peur et réduirait davantage les symptômes du PTSD. Les résultats étaient positifs, le groupe recevant la dTMS active après l’exposition au traumatisme a montré une amélioration statistiquement significative des symptômes intrusifs sur le CAPS, avec une réduction corrélée de la réponse du rythme cardiaque aux scripts traumatisants. Les effets ont persisté pendant 2 mois. Cependant, la même équipe n’a pas pu répliquer ces résultats dans une étude plus récente et plus vaste (Isserles M et al. 2021) puisque l’exposition brève suivie de dTMS (casque H7) placébo était associée à de meilleurs résultats que l’exposition brève suivie de dTMS active. L’essai a été interrompu prématurément en raison de son inutilité. Il faut toutefois noter que dans cette seconde étude, le casque de stimulation était un H7 et non un H1 comme dans la première étude, ce qui implique très probablement que la cible était différente.
Une étude (Osuch EA et al. 2009) évaluant l’association de rTMS 1 Hz sur le CPFDL droit associé à un exercice d’exposition imaginaire n’a montré aucune différence statistiquement significative entre les groupes, mais le groupe rTMS active a montré une réduction modérée des symptômes d’hyperexcitation sur la CAPS, contrairement au groupe rTMS placébo, suggérant un effet potentiellement anxiolytique. Les niveaux d’hormones urinaires et sériques ont été mesurés, mais sans différence statistiquement significative.
Une petite étude pilote (Fryml LD et al. 2019) sur l’exposition prolongée (PE) associée à la rTMS à 10 Hz à gauche ou à droite, par rapport à une rTMS placébo montre une tendance non statistiquement significative à l’amélioration des symptômes du TSPT sur la CAPS en faveur du traitement actif (réductions de 55 % contre 40 %), mais cette étude manque de puissance.
D’autres approches pharmacologiques sont également étudiées pour le traitement du TSPT (psilocybines, LSD, MDMA, etc.) et feront sans doute l’objet d’un futur article.
Conclusion : la combinaison de techniques de psychothérapie et de pharmacologie (Kétamine, Propranolol) ou de neurostimulation (rTMS, dTMS) semble une approche prometteuse pour les patients souffrant de TSPT résistants.