Le cortex préfrontal ventrolatéral gauche, une cible plus optimale ?

Dépression-rTMS

Les spécialistes en stimulation cérébrale suivent avec un grand intérêt l’émergence de nouveaux protocoles permettant d’affiner les paramètres de stimulation, ou qui proposent de nouvelles façon de procéder. Dernièrement le protocole SNT « Stanford Neuromodulation Therapy » dont on a déjà parlé ici et ici, et qui  a récemment été approuvé par la FDA pour le trouble dépressif résistant, suscite beaucoup d’attention en raison de taux de réponse et de rémission rarement atteints (jusqu’à 80% de rémission, même si la réinterprétation des données laisse penser que les taux sont sans doute légèrement inférieurs à ceux rapportés par les auteurs).

Ce protocole est prometteur et intéressant pour deux raisons :

  • D’abord parce qu’il s’agit d’un protocole en haute intensité avec 10 séances de Theta Burst (iTBS) par jour pendant 5 jours permettant de délivrer 18.000 pulses par jour (donc 90.000 pulses sur la cure) et les études montrent une excellente tolérance de cette technique.
  • Ensuite parce la localisation précise de la cible corticale est déterminée en prenant en compte la connectivité fonctionnelle (en IRMf de repos), et notamment en ciblant la zone du cortex préfrontal gauche la plus anti-corrélée au cortex cingulaire antérieur dans sa région subgénuale (sgACC).  

En effet, des travaux antérieurs avaient montré un hypermétabolisme du sgACC corrélé à un hypométabolisme préfrontal chez les patients déprimés, et il était intéressant pour les auteurs de l’étude de tenter de cibler cette zone de manière personnalisée.

Avant d’aller plus loin, il apparait nécessaire de rappeler comment le ciblage est réalisé habituellement pour comprendre ces enjeux. 4 méthodes de ciblages sont régulièrement utilisées dans les centres spécialisés en rTMS :

« L’antique » méthode dite 5-7 cm consiste à cibler à 5-7 cm du cortex moteur, sur une ligne parallèle à l’axe nasion-inion, sur le cortex préfrontal. Cette méthode n’est plus que rarement utilisée du fait de son imprécision, même si quelques spécialistes aguerris (ou pas…) l’emploient encore.

La méthode 10-20 consiste à utiliser un bonnet EEG sur lequel les zones sont déjà marquées afin de trouver les zones d’intérêt. Cette méthode à l’avantage d’être reproductible et surtout superposables aux données habituellement recueillis en EEG.

La méthode BEAM F3 est une méthode anatomique qui consiste à utiliser des données morphologiques (tour de tête, distance entre les tragus, etc.) pour les mettre dans un calculateur qui permettra de trouver le point F3 correspondant au CPFDL gauche.

La neuronavigation enfin, qui utilise une reproduction en 3D de la tête et du cerveau, acquis grâce à une IRM, pour cibler très précisément les zones d’intérêt. Cette méthode à l’avantage d’être très reproductible et très précises (voir résumé sur le site du Dr. Bondenet ici), ce qui en fait un atout dans les études cliniques, même si toutes les études qui ont cherché a prouver la supériorité de cette méthode sur les autres sur les outcome cliniques (autrement dit sur les taux de réponse ou de rémission) sont négatives.

Grace a ces différentes méthodes (les 3 dernières sont les plus employées et les plus recommandées), il est possible de cibler très précisément les zones d’intérêt et notamment le cortex préfrontal dans sa région dorsolatérale.

La question qui se pose donc est celle de savoir si grâce à ces méthodes, il serait potentiellement aussi possible de trouver la zone du CPF la plus anticorrélée au sgACC mais sans utiliser d’IRM fonctionnelle, ce qui permettrait de démocratiser le ciblage utilisé dans le protocole SNT.

Pour apporter un début de réponse à cette question, Guo-Rong Wu et Chris Baeken soulignent dans une lettre à l’éditeur intitulée « The left ventrolateral prefrontal cortex as a more optimal target for accelerated rTMS treatment protocols for depression? » publiée dans Brain Stimulation mars-avril 2023, que dans l’étude SNT, les cibles de stimulation semblent finalement toutes être étroitement regroupées :

Le grand point bleu représente le point BeamF3 (MNI = -35,5, 49,4, 32,4). Le point violet représente la zone stimulée du cortex préfrontal dorsolatéral gauche (en coordonnées MNI = -45, 30, 31). Les petits points bleus représentent les cibles corticales stimulées individuellement tirées de l’article de Cole et al. Illustration issue de l’article Guo-Rong Wu et Chris Baeken : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1935861X23017096

On remarque ainsi que les cibles de l’étude SNT sont situées de manière plus antérieure et latérale, et semblent se situer en réalité dans le cortex préfrontal ventrolatéral gauche (VLPFC) ce qui suggère que cette partie du cortex préfrontal pourrait être une cible de stimulation potentiellement plus optimale pour les paradigmes de rTMS accélérés.

La principale limitations à la diffusion de ces protocoles de rTMS accélérés état la disponibilité des IRM fonctionnelles, de nombreux centres réalisent des protocoles dit « SNT-like » en faisant varier certains paramètres : dans certains cas ils ne réalisent pas l’IRMf, dans d’autres cas ils adaptent le nombre de séances aux possibilités logistiques de l’unité (par exemple en ne faisant que 5 ou 8 séances par jour), ce qui implique qu’il est essentiel de poursuivre les recherches afin de déterminer si une cible de stimulation optimale pour de tels protocoles de rTMS accélérés peut être localisée sans recourir à des procédures de balayage coûteuses et peu accessibles.

Il convient de noter également qu’une étude précédente qui avait utilisé la tomographie par émission de positons au fluorodésoxyglucose (18FDG-PET) pour mesurer les changements métaboliques dans le cerveau de patients atteints de dépression résistante soumis à la rTMS avait constaté que les améliorations cliniques étaient corrélées à une faible connectivité métabolique entre le sgACC et une partie du cortex préfrontal ventrolatéral gauche (VLPFC), ce qui renforce d’autant plus l’intérêt que l’on peut avoir pour cette région. Ainsi les chercheurs ont également émis l’hypothèse que la stimulation du VLPFC avec des protocoles de stimulation magnétique transcrânienne répétitive accélérée peut affecter plus directement l’activité neuronale du sgACC via les connexions fonctionnelles du VLPFC vers le cortex orbitofrontal mais des études supplémentaires seront nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

Conclusion : ces éléments laissent évoquer qu’il serait sans doute intéressant de cibler légèrement plus latéralement et plus antérieurement afin de stimuler le VLPFC, au moins dans les protocoles accélérés type SNT-like. Un décalage de 1 cm en latéral et 2 cm en antérieur par rapport au classique ciblage BEAM F3 pourrait potentiellement permettre de mieux cibler cela, mais des études comparatives restent sans doute nécessaires avant de pouvoir proposer cela en routine.

Illustration issue de l’article de Guo-Rong Wu et Chris Baeken https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1935861X23017096

Pour le public anglophone, l’International Clinical TMS certification Course a également évoqué cette étude dans sa newsletter : https://www.linkedin.com/pulse/left-ventrolateral-prefrontal-cortex/

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