rTMS et grossesse : que disent les études ? quels sont les risques ?

Cette question est de plus en plus fréquemment posée car l’innocuité de la rTMS étant actuellement bien démontré par les études, il est assez logique d’envisager cette technique pour le traitement des femmes enceintes (pour lesquelles ont connait les difficultés que posent les traitements médicamenteux).

Plusieurs études ont été menées sur le sujet avec déjà plusieurs revues de la littératures et même des méta-analyses publiée en 2020 et 2021. On remarquera cependant que la plupart des articles traitent de la dépression du “péri-partum” et donc intègrent à la fois des patientes souffrant de dépression durant leur grossesse et des patientes souffrant de dépression du post-partum (donc après l’accouchement), ce qui est de nature à diminuer la taille des échantillons pour chaque groupe.

Une méta-analyse de 10 RCT par Liu et al. 2020 (publiée dans Psychiatry Research, IF 3.2 Rang C) conclu que la rTMS est à la fois “efficace et sure”, en retrouvant une différence significative en terme d’efficacité entre les groupes rTMS active et rTMS placébo (Sham) alors que pour les effets indésirables elle ne retrouve pas de différence significative. Cependant ils concluent que les études en question ont des qualités méthodologiques critiquables et qu’il est nécessaire d’avoir de larges RCT bien conduit avant de pouvoir conclure.

Une autre méta-analyse de 11 études par Lee et al. 2021 (publiée dans BMC Pregnancy Childbirth, IF 3.0 Rang C) retrouve des résultats similaires (efficace et pas d’effets indésirables) et conclu que la rTMS peut être considéré comme une alternative pour ne pas exposer les mères et les foetus aux effets indésirables des médicaments ou de la sismothérapie. Ils ajoutent comme la méta-analyse précédente que des études supplémentaires sont toutefois nécessaires pour augmenter la confiance dans ces résultats.

Une petite revue de la littérature effectuée entre 1998 et 2020 par Pridemore et al. 2021 (publiée dans Australasian Psychiatry, IF 1.3 Rang E) retrouve 10 rapports de cas permettant d’évaluer 67 femmes enceintes ayant bénéficié de rTMS à tous les stades de la grossesse (et avec différents protocoles : BF, HF, iTBS). Cette étude ne retrouve aucun effet indésirables ni pour les mères ni pour les bébés. La encore les auteurs rappellent la nécessité d’attendre des études plus larges et plus structurées.

Une revue systématique de la littérature par Pacheco et al. 2021 (publiée dans Journal of Psychiatric Research, IF 4.7 Rang B) sur les différentes techniques de neurostimulation (ECT, rTMS, iTBS, tDCS, tACS) retrouve 21 études sur la rTMS (dont 1 sur iTBS) dont 16 réalisées spécifiquement pendant la grossesse. On remarque que l’essentiel des études incluent sur cette période sont des case report ou des case serie (3 à 7 patientes) avec seulement un RCT (11 patientes rTMS active / 11 patientes rTMS placébo) et 3 études en ouvert (47 patientes en tout). Prises dans leur ensemble, les données sur les femmes enceintes ayant bénéficié de rTMS active concerne donc un échantillon de 76 patientes. Concernant l’efficacité de la technique, dans le RCT on retrouve 81% de patiente en réponse et 27% en rémission dans le groupe actif contre 45% de réponse et 18% de rémission dans le groupe placébo. Dans les études en ouvert, la première (2011) retrouve 70% de réponse et 30% de rémission, la seconde (2012) retrouve 71% de réponse et 28% de rémission, et la troisième (2014) retrouve 38% de réponse et 61% de rémission. Concernant les case report ou case serie, 100% des patients était répondeur dont 64% en rémission. Concernant la sécurité d’emploi, le RCT retrouve trois accouchement prématurés dans le groupe rTMS actif (et aucun dans le groupe placébo) et les effets indésirables habituels (céphalées) sont rapportés dans 9% des cas. Aucune des études en ouvert n’a rapporté d’information sur la sécurité néonatale. Concernant les case reports, 3 ne rapportent pas d’information, et parmi les autres on retrouve un accouchement prématuré dans 18% des cas et un bébé avec un score d’APGAR à 6 à la naissance.

Le dernier article en date est une série de cas réalisée par Yee et al. 2022 (publiée dans Brain Stimulation, IF 8.9 Rang A) sur 5 patientes entre 32 et 38 ans (dont 4 sans aucun traitement médicamenteux associé) traitées par iTBS (entre 29 et 42 séances). Le niveau de dépression moyen sur l’échelle PHQ9 avant le traitement était de 17 (dépression modérément sévère) et le niveau moyen à la 30ème séance était à 5 (dépression légère), avec 2 patientes sur 5 qui avaient un score < 5 (signant une rémission complète). Une patiente a interrompu le protocole à la 29ème séance pour intolérance (céphalées) mais elle était répondeuse au traitement (score PHQ9 passé de 22 à 8).

En conclusion : la rTMS est efficace dans le traitement des dépressions de la femme enceinte. La grande majorité de la littérature retrouve des éléments rassurant en terme de sécurité / profil d’effet indésirable, avec cependant un doute sur un possible sur-risque d’accouchement prématuré. Ce risque doit être intégré dans une balance bénéfice-risque dans laquelle on mettra en perspective 1. Le risque engendré par une dépression non ou mal traitée et évolutive durant une grossesse, 2. Le risque des médicaments. Dans l’attente d’études plus larges et plus solides méthodologiquement, et dans l’attente de recommandations officielles des sociétés savantes sur la question, il semble opportun pour le moment de laisser cette questions être tranchée individuellement dans les centres experts type Unité de Psychiatrie Périnatale ou dans les CHU.

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