Efficacité de la rTMS dans diverses pathologies psychiatriques : une méta-analyse et revue de la littérature sur 208 essais contrôlés randomisés

Une équipe internationale (UK, USA, Canada) a publié en avril dans Molecular Psychiatry (revue de rang A, IF à 15.9) un large travail de méta-analyse qui compile les données de 208 essais contrôlés randomisés. Pour rappel, les méta-analyses de RCT constituent actuellement le plus haut niveau de preuve de l’EBM (Evidence Based Medecine : médecine fondée sur les preuves). Cette méta-analyse est disponible ici en accès libre.

Après avoir rappelé que le traitement des troubles psychiatrique est un enjeux majeurs puisque 1 milliard de personnes sur terre en souffre, ce qui correspond à 19% des causes de handicap (toutes causes confondues), l’équipe de menée par Joshua Hyde tente de situer la place des Stimulations Cérébrales Non Invasives (“NIBS” pour Non Invasive Brain Stimulation en anglais) que constituent la rTMS et la tDCS dans les algorithmes de prise en charge de divers troubles psychiatriques.

Après avoir screené plus de 3500 articles, ils ont finalement retenu 208 essais contrôlés randomisés (RCT : rTMS ou tDCS active contre placébo, appelé “sham” en anglais) dans leur méta-analyse, afin d’évaluer l’efficacité de la rTMS et de la tDCS pour le traitement :

  • Du Trouble déficit attentionnel avec hyperactivité (TDAH) : 2 études
  • De la dépression unipolaire (DU) ou bipolaire (DB) : 99 études
  • Du trouble anxieux généralisé (TAG) : 5 études
  • Du trouble obsessionnel compulsif (TOC) : 27 études
  • Du trouble stress post-traumatique (PTSD) : 8 études
  • De la schizophrénie : symptômes positifs, négatifs, totaux, hallucinatoires : 59 études
  • Des addictions aux substance (SUD) : 10 études

Et par ailleurs ils ont aussi analysé l’efficacité de la rTMS pour évaluer leur effet sur les fonctions cognitives (attention, exécution, vitesse de traitement, mémoire de travail) pour différentes pathologies (dépression, schizophrénie, addictions).

Pour la rTMS, en ce qui concerne l’efficacité sur les symptômes, cette étude retrouve un “Standardized Mean Difference” (SMD) entre 0.11 et 1.80 avec un résultat statistiquement significatif (p < 0.05) pour toutes les pathologies sauf pour le TDAH, pour la dépression bipolaire, les symptômes positifs de schizophrénie et les SUD.

PathologieNombre de
participant
SMDp < 0.05
TDAH51– 0.50Non
Dépression (indifférencié) 3366– 0.45Oui
Dépression unipolaire2336– 0.60Oui
Dépression bipolaire145– 0.20Non
TAG111– 1.80Oui
TOC760– 0.66Oui
PTSD255– 1.09Oui
Schizophrénie : symptômes positifs1474– 0.11Non
Schizophrénie : symptômes négatifs1266– 0.49Oui
Schizophrénie : symptômes totaux1334– 0.50Oui
Schizophrénie : hallucinations AV545– 0.1Oui
SUD100– 1.46Non
Pour rappel : entre 0.2 et 0.5 on considère que c’est une petite différence, entre 0.5 et 0.8 une différence moyenne, et au dessus de 0.8 une grande différence.

Ainsi plus le SMD est élevé, plus il existe un effet positif comparativement au placébo, et il faut aussi que cette différence soit significative sur le plan statistique.

Pour la tDCS, moins de pathologies ont été testées par manque d’études (pas d’études sur la dépression bipolaire, sur le TDAH, sur le PTSD dans leur méta-analyse), et les SMD varient entre -0.12 et -1.04 avec des résultats statistiquement significatifs pour toutes les pathologies sauf les TOC et les symptômes positifs de la schizophrénie.

PathologieNombre de
participant
SMDp < 0.05
Dépression (indifférenciée)419– 0.87Oui
Dépression unipolaire148– 1.04Oui
TAG42– 0.55Oui
TOC46– 0.37Non
Schizophrénie : symptômes positifs367– 0.12Non
Schizophrénie : symptômes négatifs267– 0.54Oui
Schizophrénie : symptômes totaux386– 0.63Oui
Schizophrénie : hallucinations AV312– 0.42Oui
SUD224– 0.73Oui
Pour rappel : entre 0.2 et 0.5 on considère que c’est une petite différence, entre 0.5 et 0.8 une différence moyenne, et au dessus de 0.8 une grande différence.

Les auteurs concluent que :

Pour le TAG : la rTMS est clairement efficace avec une importante taille d’effet et des études assez homogènes (ce qui renforce la validité scientifique du résultat), cependant peu d’études ont été inclues, avec des protocoles différents (Basse fréquence préfrontale droite, Haute fréquence préfrontale droite, Basse fréquence pariétal droite), et il faut par conséquent plus d’études pour affiner les protocoles. La tDCS aussi permet d’avoir une efficacité sur la symptomatologie.

Pour le PTSD : la rTMS est clairement efficace avec une importante taille d’effet, avec cependant des études hétérogènes. Le protocole Basse fréquence préfrontale droite semble être celui avec le plus d’efficacité.

Pour le TOC : la rTMS est clairement efficace avec une taille d’effet moyenne, et une hétérogénéité des études. Le protocole qui semble avoir la plus grande taille d’effet est la rTMS bilatérale en préfrontale, suivi par la basse fréquence préfrontale droite. La basse fréquence sur le SMA semble prometteuse mais il n’y a pas suffisamment d’étude pour l’affirmer de manière robuste.

Pour la dépression : la rTMS est clairement efficace avec une taille d’effet moyenne, et une hétérogénéité des études (notamment lorsqu’on différence dépression uni et bipolaire). Les protocoles à favoriser d’après cette méta-analyse sont la stimulation bilatérale préfrontale, la basse fréquence préfrontale droite, la haute fréquence préfrontale gauche. L’étude montre que la haute fréquence gauche peut avoir une taille d’effets plus importante mais avec plus d’inconsistance comparativement à une stimulation bilatérale (qui a une taille d’effet plus modeste mais plus consistante). Concernant la tDCS les tailles d’effets sont notablement plus importante dans cette étude comparativement aux précédentes, avec une efficacité comparable à la pharmacothérapie.

Pour la schizophrénie : seuls les symptômes négatifs semblent positivement impactés par les NIBS (rTMS ou tDCS), de même que les hallucinations auditives (ou la tDCS semble avec un effet possiblement plus intéressant que la rTMS). A noter qu’en tDCS on place la cathode sur la jonction temporo-pariétale gauche (pour inhiber les HAV) et l’anode sur le préfrontale gauche pour l’activer, alors qu’en rTMS on ne traite qu’un seul site à la fois.

Pour les SUD : cette méta-analyse contraste avec les études précédentes qui retrouvaient une efficacité plus affirmé de la rTMS. En revanche la tDCS semble plus prometteuse dans cette indication avec une taille d’effet importante (et une faible hétérogénéité).

Pour le TDAH : cette étude ne retrouve pas d’efficacité de la rTMS dans cette indication, et il n’y avait pas d’études sur la tDCS, mais la validité de ce résultat doit être mis en perspective au vu du faible nombre d’études inclues (n = 2).

Pour les fonctions cognitives : un effet positif est retrouvé pour l’attention et la mémoire de travail dans la plupart des pathologies testées.

En conclusion, cette méta-analyse confirme l’intérêt des NIBS (rTMS ou tDCS) dans le traitement de nombreuses pathologie psychiatriques, et met en avant le traitement du TAG en rTMS et tDCS, et des SUD en tDCS. Par ailleurs elle conforte aussi l’idée que les protocoles bilatéraux (notamment en Theta Burst) sont intéressants dans le traitement de la dépression.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :