Syndrome de Fatigue Chronique, Fatigue et rTMS : ou en est-on ?

La fatigue est un symptôme fréquent qui peut être secondaire à une pathologie organique (infection, dysthyroïdie, anémie, néoplasie, etc.) ou psychiatrique (dépression, anxiété, etc.), qui peut être secondaire à un trouble du sommeil (SAHOS, SJSR, insomnie primaire ou secondaire), mais qui dans certain cas semble inexpliquée. Cet article reprend les principales causes et fait un focus sur le Syndrome de Fatigue Chronique (SFC) en donnant les éléments suivants :

Le syndrome de fatigue chronique […] se déclare brusquement, le plus souvent chez des personnes de 35 ans environ, très investies dans leurs activités quotidiennes. Les symptômes se prolongent plus de six mois et peuvent être variés :

  • Asthénie permanente ;
  • Fatigabilité profonde et intolérance à la position debout ;
  • Survenue de malaises après l’effort ;
  • Troubles de la mémoire et de la concentration ;
  • Douleurs musculaires et articulaires, mal systématisées, compatibles une fibromyalgie ;
  • Symptômes de type “infectieux” : adénopathies (augmentation du volume des ganglions lymphatiques), pharyngite, fièvre modérée et sensation de “chaud/froid”.

Cette maladie a un fort impact socioprofessionnel. Les causes en seraient multiples : une infection (due à un herpès virus, à une bactérie de type Borrelia ou Brucella, etc.), des problèmes immunologiques et des troubles psychologiques.

Depuis quelques années on ne parle plus de SFC, pour préférer le terme Encéphalomyélite Myalgique (EM), dont les critères diagnostiques sont rappelés ici.

Plusieurs études ces dernières années se sont penchées sur les traitements de l’EM (et de la fatigue en général) avec assez peu d’alternatives thérapeutiques (TCC, exercices physiques, compléments alimentaires) pour le moment puisque aucun traitement n’a été réellement validé, et c’est donc logiques que de nouveaux traitements aient été testés dans cette indication. Le présent article se propose de faire une synthèse de la littérature sur la rTMS pour le traitement de la fatigue dont l’EM.

Une recherche Pubmed avec les termes “(Myalgic Encephalomyelitis[TITLE] OR fatigue[TITLE]) AND (rTMS[TITLE/abstract] OR Magnetic Stimulation[TITLE/abstract])” permet de retrouver 255 articles, dont la majorité ne portent pas sur l’effet thérapeutique de la rTMS (mais plutôt sur l’évaluation de la fatigue, notamment musculaire, sur l’évaluation de l’excitabilité corticale chez les patients asthéniques). Concernant spécifiquement le traitement de la fatigue (SFC/EM ou fatigue associée à d’autre pathologie : SEP, SLA, etc.) on ne retrouve que 10 articles, dont un en russe non traduit et non accessible, et un qui traite de la tDCS (et non de la rTMS) et que nous traitons plus bas.

En 2008, un article parut dans The Journal of Neurological Sciences (Zanette et al.) est le premier a rapporter les effets de la rTMS sur la fatigue et qualité de vie de patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Il s’agit d’une étude pilote sur 10 patients atteint de SLA, sous RILUZOLE, qui ont bénéficié soit de rTMS active à 5Hz, soit de rTMS sham (placébo) à 1 séance par jour pendant 2 semaines. La stimulation se focalisait sur les zones motrices (membres supérieurs et membres inférieurs) avec 20 trains de 15 pulses, donc 300 pulses par zone. L’étude montre une amélioration significative pour la qualité de vie, la SF36 et la capacité de contraction musculaire à la fin du traitement dans le groupe actif, mais cette différence n’est plus significative 15 jours après la fin du traitement. Cette étude ayant de très nombreuses limites (petit effectif, protocole de stimulation pour le moins atypique, etc.) on peut en retenir que la stimulation des aires motrices est efficace sur le court terme avec ce protocole mais pas sur le moyen ou long terme chez les patients présentant une SLA.

Kakuda et al. 2016, publié dans la revue Internal Medicine est une série de cas portant sur 7 patients (5 femmes, 2 hommes) souffrant de SFC depuis plusieurs années (entre 3 et 11 ans d’évolution) et parfois comorbide de fibromyalgie (pour 2 patients) ou du syndrome de l’intestin irritable (pour 1 patient). Les patients ont été hospitalisés pendant 5 jours pour recevoir 6 séances de rTMS en Haute Fréquence 10Hz (avec 5000 pulses par séances) sur le cortex préfrontal dorsolatéral de l’hémisphère dominant. L’évaluation de la fatigue était faite par une EVA et une échelle Brief Fatigue Inventory (BFI) a plusieurs moments. Les résultats principaux sont :

  • A J7 post-traitement, l’EVA moyenne (sur les 7 participants) avait diminuée de 40%
  • A J15, l’EVA était remontée, avec une diminution de 20% par rapport à l’EVA initiale.

Les auteurs en concluent que la rTMS [10Hz 5000 pulses 6 séances] peut être potentiellement utile chez les patients souffrant de SFC.

En 2017, l’équipe de JP Lefaucheur, bien connue pour ses guidelines et recommandations sur la rTMS, a publié une revue de la littérature intitulée “Le traitement de la fatigue par Stimulation Cérébrale Non Invasive” dans Clinical Neurophysiology (Lefaucheur et al.). Cette revue a inclue 15 études (8 en tDCS et 7 en rTMS) assez hétérogènes puisque les zones cibles, les techniques et les populations de patients étaient régulièrement différentes. Ils concluent que les résultats sont trop peu nombreux, partiels et hétérogènes pour pouvoir tirer une quelconque conclusion “mais les effets obtenus, notamment dans la sclérose en plaques, sont réellement porteurs d’espoirs thérapeutiques“. Si l’on regarde le détail des études en rTMS incluent pour la fibromyalgie :

Zone cibleParamètresRésultats
M1 gauche10 Hz
80% SMT
10 séances
2000 pulses / séances
Amélioration significative de l’EVA dans le
groupe actif comparativement au groupe Sham
Maintien de l’effet à J15 mais pas à J45
M1 gauche10 Hz
80% SMT
14 séances
1500 pulses / séances
Amélioration significative de l’EVA dans le
groupe actif comparativement au groupe Sham
CPFDL droit1 Hz
110% SMT
20 séances
1200 pulses / séances
Amélioration significative dans les 2 groupes
(actif et Sham)
CPFDL gauche10 Hz
120% SMT
15 séances
3000 pulses / séances
Amélioration significative dans les 2 groupes
(actif et Sham)

Ainsi pour la fibromyalgie il semblerait que les stimulation M1 (idem protocole antalgique) aient un effet positif sur la fatigue, alors que les stimulation préfrontale ont un effet positif mais difficile à distinguer de l’effet placébo (sachant cependant que les procédures sham de ces études sont potentiellement critiquables).

En ce qui concerne le SFC, outre l’étude de Kakuda et al (cf. supra), l’article de Lefaucheur retrouve 2 autres études (en réalité une communication orale et un poster), toutes deux réalisées par la même équipe (Mylius et al.) en 2013 et testant un protocole 1 Hz à 80% du SMT sur M1 (donc l’inverse du protocole antalgique qui favorise la haute fréquence), a chaque fois ils proposent 9 séances, 1200 pulses par séances, sur 2 semaines. Dans la première étude, ils retrouvent une amélioration du sous-score “cognitif” de l’échelle FIS Fatigue Impact Scale dans le groupe actif (gain de 5 points) et pas dans le groupe Sham. Dans la seconde étude, ils retrouvent une amélioration du sous-score “relation sociales” (gain de 3 points) et du sous-score “condition physique” (gain de 10 points) dans le groupe actif et pas dans le groupe Sham. On notera cependant que la population des études de Mylius n’était en réalité par des patients SFC mais des patients souffrant de Myofasciite à macrophage.

En 2018, Gaede et al. publient un article dans Neurology Neuroimmunology & Neuroinflammation. Il s’agit d’un RCT portant sur 33 patients atteints de SEP et randomisés en 3 groupes pour recevoir 18 séances (3 par semaine pendant 6 semaines) de DeepTMS en Haute Fréquence :

  • Groupe 1 : dTMS active sur le cortex moteur en bilatéral, 5 Hz, 90% SMT
  • Groupe 2 : dTMS active sur le cortex préfrontal (CPF) gauche, 18 Hz, 120% SMT
  • Groupe 3 : Sham dTMS type CPF (car le sham n’existe pas sur le casque permettant de stimuler le cortex moteur).

En conclusion, cette étude ne retrouve aucun effet indésirable grave (mais 5 drop out pour intolérance) et une amélioration de 1 points sur la FSS (Fatigue Severity Scale) qui se maintenait lors du follow up à 3 mois, avec a priori une amélioration plus importante lors de l’utilisation de la dTMS sur le cortex moteur.

Toujours en 2018, Fitzgibbon et al. publié dans European Journal of Pain, est un RCT sur 26 patients atteints de fibromyalgie et répartis en 2 groupes :

  • rTMS Haute Fréquence 10 Hz sur le CPFDL gauche, 20 séances, 120% SMT, 3000 pulses
  • Sham rTMS

L’étude sur 4 semaine retrouve une amélioration de la fatigue physique et de la fatigue générale sur la Multidimensional Fatigue Inventory (MFI 20)

Source : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ejp.1213

Les auteurs concluent que la rTMS [HF 10Hz 3000 pulses 20 séances 120% SMT] est une thérapeutique efficace pour le traitement de la fatigue chez les patients souffrant de fibromyalgie. Les auteurs évoquent cependant l’effet potentiellement confondant de l’impact de la rTMS sur la dépression : en effet, la BDI moyenne des patients du groupe actif était de 24 en baseline (= dépression modérée) et avait diminué à 11 (= dépression légère, à la limite de la dépression “mineure”) en fin de traitement (tandis que le groupe Sham lui est passé de 19 à 15, prouvant une nouvelle fois l’effet net de la stimulation HF sur le CPFDL sur la dépression). Bref, il est donc difficile de savoir avec cette étude si la très nette amélioration de la fatigue n’est pas seulement du à l’effet antidépresseur de la rTMS.

Yang et al. publient en 2020 la seule véritable étude portant sur une population de patient souffrant d’Encéphalomyélite Myalgique dans International Journal of Neuroscience. Il s’agit d’un essai clinique en ouvert portant sur 22 patients souffrant de ME hospitalisés pour bénéficier de 6 à 8 séances de rTMS en HF 10Hz sur le CPFDL gauche. L’évaluation portait sur la Brief Fatigue Inventory et sur une EVA effectuées avant et après et permettant de classer les patients en 2 groupes de sévérité (9 patients fatigue sévère, 13 patients fatigue modérée). L’étude retrouve une diminution de l’EVA fatigue quelque soit le groupe, à la sortie de l’hopital et 15 jours après. Les auteurs concluent que ce type de stimulation est potentiellement intéressant dans cette indication. On notera qu’il s’agit de la même équipe que celle de Kakuda 2016 (qui est cette fois en dernier auteur).

Enfin, la dernière étude Pan et al. publiée en 2022 dans Frontiers in Neurology porte sur les patients souffrant d’atrophie multisystématisée (AMS). Il s’agit d’un RCT sur 22 patients pour recevoir soit 10 séances de rTMS HF 10Hz sur le CPFDL gauche soit de la rTMS Sham. La conclusion de cette étude est que la rTMS est potentiellement intéressante pour le traitement de la fatigue dans cette population de patient mais que l’effet ne dure pas puisqu’à 4 semaines on ne retrouve plus de différences.

Concernant la tDCS, en 2015, Techio et al. ont publié un article dans Frontiers in Neurology ou ils ont utilisé de la tDCS pendant 5 jours sur des patients souffrant de Sclérose en Plaque (SEP) en les divisant en 2 groupes avec une design en cross-over contre sham :

  • Un groupe sur lequel est stimulé (anode) le cortex sensorimoteur de la main
  • Un groupe sur lequel est stimulé (anode) le cortex somatosensoriel

Ils retrouvent une différence entre le groupe actif et sham pour le cortex somatosensoriel (diminution de 27% de la fatigue, côté sur une échelle “modified fatigue impact scale mFIS”) mais pas pour le cortex sensorimoteur. On retiens donc de cette étude qu’une stimulation anodale sur le cortex somatosensoriel en tDCS pourrait avoir un impact bénéfique sur la fatigue chez les patients souffrant de SEP.

Conclusion : on retrouve donc finalement très peu d’études portant spécifiquement sur le syndrome de fatigue chronique, de facto seules 2 études peuvent réellement prétendre avoir traiter cette indication (toutes deux de la même équipe : Yang 2020 et Kakuda 2016). Les 2 études utilisent un protocole HF 10 Hz 120% SMT sur le CPFDL (dominant ou gauche) entre 6 et 8 séances, et les 2 études sont positives mais il subsiste un doute sur la durée de l’effet. Les autres études portent sur la fatigue dans des conditions particulières (AMS, SEP, SLA, Fibromyalgie, Myofasciite a macrophage) et elles sont généralement positive. Dans la fibromyalgie les résultats sont partiellement contradictoire puisque certaines études favorisent les protocoles “antalgiques” (HF sur M1) alors que d’autres favorisent la stimulation “antidépressive” HF CPFDL.

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