La rTMS dans le traitement de l’ataxie cérébelleuse

L’ataxie cérébelleuse est un ensemble hétérogène de troubles acquis (par exemple après un AVC) ou héréditaires, dont les manifestations cliniques comprennent des perturbations de l’équilibre et de la coordination, mais également des troubles de l’élocution (dysarthrie), des déficits oculomoteurs, une dysmétrie et des tremblements. Les formes héréditaires et sporadiques d’ataxie neurodégénérative sont plus fréquentes à l’âge adulte, avec une prévalence estimée entre 1 et 3 pour 100 000 personnes. Les troubles de l’équilibre et les mouvements réduits des membres inférieurs causés par l’ataxie peuvent limiter la mobilité et affecter les activités quotidiennes, avec donc un retentissement fonctionnel important et une altération de la qualité de vie.

L’enjeu thérapeutique dans ce trouble est de maintenir une qualité de vie satisfaisante notamment en limitant l’aggravation des troubles et, lorsqu’il s’agit d’une forme acquise, de tout mettre en œuvre pour essayer de s’en rétablir, même si la plupart des ataxies n’ont pas de traitements efficaces basés sur des preuves, bien que de nombreuses approches thérapeutiques aient été essayées ces dernières années (voir review ici).

La stimulation magnétique transcrânienne pouvant permettre de réaliser une modulation non invasive de l’excitabilité corticale sur la voie cérébello-thalamo-corticale, plusieurs études ont été réalisées pour évaluer l’efficacité de cette technique dans cette indication. Il a ainsi été démontré que la TMS cérébelleuse peut faciliter l’activation motrice corticale en modulant l’excitabilité des cellules de Purkinje, entraînant une inhibition accrue de la connexion facilitatrice cérébello-dentato-thalamo-corticale et aboutissant finalement à une inhibition de M1. Par ailleurs les effets de la rTMS sur la plasticité neuronale sont également intéressant pour cette pathologie puisque le cervelet, en tant que structure sous-corticale, participe aux mécanismes de plasticité de l’apprentissage moteur.

Une équipe chinoise menée par Ying Wang a ainsi publié en janvier 2023 une revue systématique et méta-analyse dans Frontiers in Neurology (rang C, IF 4.086) accessible en ligne ici, qui évalue l’efficacité de la rTMS dans le traitement de l’ataxie cérébelleuse. Ils ont inclus 8 RCT (272 patients) évaluant différents protocoles de rTMS contre sham sur différentes échelles régulièrement utilisées pour évaluer la sévérité de l’ataxie. Une autre équipe, chinoise également, à publié dans Cerebellum (rang D, IF 3.648) une autre revue et méta-analyse, dont l’abstract est accessible ici.

Dans la méta-analyse de Wang, 5 études portaient sur des patients souffrant d’une forme héréditaire, et dans 3 études le syndrome cérébelleux était secondaire à un AVC.

Forme héréditaire (ataxies spinocérébelleuses) : tous les protocoles ciblaient le cervelet de manière bilatérale, avec une stimulation à 4 cm en latéral de l’inon à gauche et à droite avec 4 études en basse fréquence (entre 0.2 et 1 Hz) et 1 étude en haute fréquence (5/10 Hz), à 100% du SM, 10 à 20 séances, entre 900 et 1800 pulses par séance. Les bobines utilisées étaient des coils circulaires sauf dans l’étude en haute fréquence qui utilise un double coil. L’étude qui a le plus de poids dans la méta-analyse, avec le meilleur résultat en faveur de la rTMS est l’étude de Manor et al. qui utilisait une très basse fréquence (0.2 Hz, 100% SM, 20 séances, en ciblant 3 régions : inion, 4 cm à gauche, 4 cm à droite, et pour chaque région, cinq pulses séparées de 6 secondes ont été délivrées en sens anti-horaire, suivies de cinq pulses délivrées en sens horaire, pour un total de 30 pulses par séance).

Dans la forme post-AVC : différentes cibles ont été utilisées (2 cm en latéral de la ligne interhémisphérique du cervelet du côté ataxique | idem + 2 cm sous l’inion | cortex moteur controlatéral). Dans cette forme la, l’étude qui a le plus de poids (90%) dans la méta-analyse est celle réalisée par Tan et al. et qui cible le cortex moteur controlatéral 1 Hz, 80% SM, 1200 pulses, 20 séances +/- en association avec de la kinésithérapie (type Frenkel). L’autre étude qui semble positive est celle de Cha et al. qui cible 2 zones : 2 cm en latéral de la ligne interhémisphérique du cervelet du côté ataxique + 2 cm sous l’inion, en basse fréquence 1Hz, 100% SM, 900 pulses, 20 séances.

Toutes les études sont positives et montrent une amélioration des troubles mais seules 3 études sont réellement statistiquement significatives (intervalle de confiance qui exclu 1) : l’étude de Manor (0.2 Hz), l’étude de Tan (1 Hz mais sur le cortex moteur), et celle de Cha (qui cible 2 zones à 2 cm en dessous et 2 cm en latéral). Ce résultat contraste un peu avec la méta-analyse publiée dans Cerebellum qui semble retrouver un effet intéressant d’une stimulation en haute fréquence sur le cervelet. On notera cependant que la plupart des dernières études et des cases report (notamment publiés en 2023) favorisent tout de même la basse fréquence 1Hz, parfois même en association à une stimulation en haute fréquence sur le CPFDL gauche (10 Hz, 3000 pulses, 120% SM) comme rapporté dans un case report sur une ataxie cérébelleuse paranéoplasique (ici).

Aucune étude ne retrouve d’effets indésirables significatifs.

En conclusion, la balance bénéfice-risque de la rTMS dans cette indication est favorable puisqu’il n’existe que peu ou pas d’alternatives même si pour le moment le niveau de preuve sur l’efficacité nécessiterai d’être renforcé par de nouvelles études de plus grande puissance.

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :