A l’occasion de la sortie dans la presse du cas d’un patient Taiwanais sortit du coma après un an grâce à un traitement par rTMS, nous en profitons pour faire le point sur l’intérêt de la rTMS dans les troubles de la consciences.

Taiwan News a récemment publié l’histoire d’un homme de 29 ans, originaire de la ville de Tainan, au sud de Taïwan, qui est sorti d’un coma qui avait duré presque un an après plusieurs mois de traitement par rTMS. L’année précédente, il avait subi un traumatisme crânien grave suite à un accident de voiture. Divers traitements classiques et moins classiques (médecine hyperbare, rééducation et médecine traditionnelle chinoise) avaient été essayés sans succès, et la famille a insisté pour qu’il soit transféré à l’Hôpital Municipal An-nan de Tainan pour y recevoir un traitement par rTMS.
Environ cinq mois après l’introduction de la rTMS, le patient a montré des signes significatifs de progrès. Il a progressivement repris conscience et a commencé à répondre à la voix de ses proches. Aujourd’hui, il peut non seulement ouvrir les yeux, mais aussi sourire, redonnant espoir à sa famille et à l’équipe médicale. Forts de cette évolution positive, ils ont opté pour une poursuite du traitement.

Il reste actuellement difficile de savoir quoi penser de ce cas. L’analyse de la littérature retrouve cependant plusieurs articles sur le sujet, avec pas moins de 5 articles publiés par des équipes asiatiques (Corée, Chine et Taiwan) chinoises sur les 3 derniers mois. Pour comprendre ce qu’il en est nous allons nous focaliser sur l’article publié en aout 2023 dans Aging and Disease (Rang A, IF 9.968) intitulé “Transcranial Magnetic Stimulation in Disorders of Consciousness: An Update and Perspectives” (Huang et al.) écrit par une équipe de neurochirurgiens de l’Hôpital de Ganzhou (Jiangxi, China).
Les troubles de la conscience (Disorder of Consciousness “DoC” en anglais) se manifestent à la suite de lésions cérébrales affectant la vigilance, la conscience et le comportement. Ces troubles se divisent principalement en trois états : le coma, le syndrome d’éveil non répondant (anciennement état végétatif) et l’état de conscience minimale. Le diagnostic précis des patients atteints de DoC est complexe et nécessite une interprétation spécialisée. Outre les échelles habituellement utilisées (Glasgow, CRS-R) qui comportent des limitations qui peuvent mener à des erreurs diagnostiques, des techniques de neuro-imagerie et des outils électrophysiologiques comme la TEP, l’IRM fonctionnelle, l’EEG et la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) sont utilisées pour mieux caractériser l’état du patient de manière multimodale.
Les causes principales des DoC sont les traumatismes crâniens (TC), mais également les AVC, les crises cardiaques et des maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer. Selon les données du Center for Disease Control, les TC sont une cause majeure de décès et d’invalidité aux États-Unis, avec 1,5 million de cas chaque année.
Il n’y a pas de de consensus clair en ce qui concerne les options thérapeutiques. Ces dernières comprennent des traitements pharmacologiques (par exemple les dopaminergiques, mais également – et c’est paradoxal – des analogues benzo, etc.), et des traitements non pharmacologiques, la plus connue étant la stimulation nerveuse médiane même s’il existe quelques essais de stimulation cérébrale profonde et d’autres techniques de neurostimulation. Parmi ces technique, la rTMS, bien que présentant un potentiel pour traiter diverses affections, y compris les DoC, demeure sujette à débat.
Au cours de la dernière décennie, l’utilisation clinique de la rTMS pour traiter les patients atteints de troubles de la conscience (DOC) a suscité un intérêt croissant. Néanmoins, son efficacité demeure incertaine.
Petite synthèse des résultats

On retrouve plusieurs études positives, avec par exemple une première étude sur 40 patients atteints de DoC qui ont reçu soit un traitement actif par rTMS, soit un placebo environ 49 jours après le début du DOC, qui retrouve que ceux traités avec la rTMS active ont montré une meilleure conscience que le groupe placebo (cependant, seulement la moitié des patients ont manifesté une amélioration réellement notable). Dans une autre étude réalisée sur 48 patients en état végétatif persistant (PVS) pendant 60 jours, seuls 12 patients ont montré de meilleurs scores de conscience. Une autre étude sur 16 patients atteints de DoC chronique traités par rTMS à 10 Hz sur le DLPFC droit pendant 20 jours retrouve une légère amélioration, en particulier pour ceux en état de conscience minimal (MCS), et enfin une dernière étude sur 15 patients stimulés à 10 Hz sur le DLPFC droit retrouve également une augmentation significative des scores de conscience après 20 jours de traitement.
Et d’autres études sont négatives, notamment deux qui ont testé les effets de la rTMS à 20 Hz sur le cortex moteur primaire pendant cinq jours et qui n’ont retrouvé aucun effet thérapeutique significatif, et une étude sur 10 patients qui ont reçu une seule séance de rTMS à 10 Hz sur le DLPFC droit et pour lesquels aucune amélioration notable n’a été observée.
Ces résultats appellent 2 commentaires : d’abord les patients en état de conscience minimal MCS semblent mieux répondre à la rTMS que ceux en état végétatif persistant PVS (par exemple, après un AVC, 83,3% des patients MCS et 45,5% des patients PVS ont semblé bénéficier de la rTMS), ensuite il est très important de noter que les études négatives semblent très clairement sous optimales avec un traitement inadapté. En effet, si l’on considère qu’il faut 30 séances de traitement pour avoir un effet bénéfique persistant en cas de dépression, il semble totalement illogique (voire absurde) d’imaginer qu’une seule séance (ou même 5) pourraient avoir un intérêt chez des patients DoC.
La logique voudrait qu’on applique la rTMS a dose pro-neuroplasticité, donc avec une dose importante et répétées au minimum 30 séances, et très probablement en multisite.
Potentiel mécanisme d’action

D’après les auteurs, les mécanismes potentiels pourraient être les suivants:
– Modification des circuits neuronaux et des réseaux cérébraux.
– Promotion de la plasticité synaptique.
– Restauration des neurotransmetteurs.
– Augmentation de la prolifération des cellules souches neurales.
– Augmentation des neurotrophines.
Le rTMS peut générer un champ magnétique qui induit une dépolarisation des potentiels de membrane des cellules neurales, affectant l’activité du circuit nerveux. Cette activité peut être détectée par l’EEG. En fonction de la fréquence, de l’emplacement et de l’intensité du stimulus, le rTMS peut activer, inhiber ou interférer avec l’activité des réseaux neuronaux. De plus, il a été montré que le rTMS influence la connectivité fonctionnelle via la plasticité synaptique et a des effets sur les neurotransmetteurs comme le GABA et la sérotonine. La technique a également des effets neurotrophiques, influençant la croissance dendritique et augmentant des facteurs comme le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF). Cette augmentation est essentielle pour la survie, la différenciation et la régénération des neurones. En outre, le rTMS semble stimuler la neurogenèse dans l’hippocampe, un effet qui pourrait être lié à la régulation à la hausse des facteurs de croissance comme le BDNF.
En conclusion, bien que les effets du rTMS puissent être bénéfiques pour améliorer les issues défavorables chez les patients atteints de DOC, les mécanismes précis par lesquels il améliore la conscience ne sont pas encore bien compris. En comprenant le mécanisme d’action du rTMS sur le cerveau, il serait possible d’évaluer son potentiel thérapeutique en pratique clinique.
Conclusion : bien qu’il soit encore trop tôt pour proposer d’utiliser la rTMS pour les DoC, plusieurs essais contrôlés randomisés sont en cours, vu l’absence d’alternative thérapeutique et les rares cas d’écrit de sortie de coma pouvant s’apparenter à des miracles, il semble assez clairement que la balance bénéfice risque est en faveur de la rTMS dans cette indication.