Toujours plus haut : faut-il augmenter les doses d’antidépresseur au max ?

On entend souvent dire qu’il ne faut pas forcément mettre des doses élevées d’antidépresseurs, que cela pourrait même être délétère (certaines études mentionnaient des courbes de réponses en U inversé, suggérant qu’en augmentant la dose, le taux d’amélioration déclinait). On entend aussi parfois dire que « tous les antidépresseurs se valent »… C’est évidemment faux.

Il est important de comprendre que tout le monde est différent : un traitement efficace chez Monsieur X ne sera pas forcement efficace chez Madame Y, et la dose utilisée chez Monsieur Z n’est pas celle qui fonctionnera chez Monsieur W. Certains anciens professeurs de psychiatrie disaient que :

“Trouver le bon traitement en psychiatrie est un travail d’orfèvre, il faut ajuster finement, essayer, évaluer, réajuster, ré-évaluer, et recommencer”

Professeur de Psychiatrie Old School

De plus en plus d’études tentent de nous aider à choisir les traitements en questions et à les adapter. Si l’on s’intéresse plus particulièrement à la dépression, et comme déjà mentionné dans les différents articles sur le sujet (La dépression et Le poids des maladies psychiatriques dépasse celui des cancers […]), ce fléau, qui touche près de 300 millions de personne dans le monde, est l’une des principales causes d’incapacité et un facteur de risque majeur mortalité (par suicide, mais également en raison des nombreuses comorbidités dont elle fait le lit).

Pour rappel, plusieurs types de traitement existent. En cas de dépression unipolaire, le traitement repose sur la triade :

– Psychothérapie structurée
– Hygiène de vie (et éviction du stress)
– Antidépresseur (puis escalade thérapeutique en cas d’échec de 2 antidépresseurs différents)

Et dans la dépression bipolaire, sur la triade :

– Adaptation du mode de vie
– Psychothérapie (avec psychoéducation)
– Régulateur d’humeur (puis escalade thérapeutique pouvant inclure des antidépresseurs pour une durée limitée)

Dans ce contexte certaines études se sont intéressée aux traitements de première ligne de la dépression unipolaire que sont les antidépresseurs type ISRS, et plus particulièrement à la Sertraline, qui est un traitement réputé avoir une très bonne balance bénéfice risque. Cependant, sa dose varie en pratique avec des patients traités à des doses variant entre 50 à 200 mg par jour.

L’équipe de Xufei Luo s’est penché sur la relation dose-effet à l’aide d’une méta-analyse publiée en septembre 2023 dans la revue Psychiatry Research. Leur recherche a évalué 5894 articles et 21 essais contrôlés randomisés ont finalement été inclus.

Leur résultat est assez édifiant :

Fig. 8. Non-linear dose-response relationship between sertraline dosage and mean change of HAM-D score.
Xufei Luo et al. Selection of the optimal dose of sertraline for depression: A dose-response meta-analysis of randomized controlled trials
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165178123003414

En rose c’est le placébo. En vert, c’est la dose à 200 mg.

Ce graphique permet de faire plusieurs constats : d’abord l’importance de l’effet placébo puisqu’on remarque que le placébo permet d’obtenir une amélioration similaire à la dose de 50 mg. Ensuite la tendance à perdre de l’efficacité au cours du temps pour les doses de 50 et 100 mg, avec une remonté des scores de dépression. Enfin l’efficacité nettement visible des doses de 150 mg mais surtout de 200 mg qui montre une amélioration qui semble très significative dès la 2ème semaine puisque cette dose permet d’atteindre le même score que celui obtenu à la 6ème semaine à la dose de 150 mg.

Par ailleurs leur étude à également étudier les différences en terme d’effets indésirables entre les groupes placébo et les groupes actif, et on retrouve plus d’effets indésirables classiques (somnolence, insomnie, dysfonction sexuelle, céphalées, sécheresse buccale, transpiration nausées, diarrhées, constipation, etc.) dans le groupe Sertraline, tandis que certains effets indésirables sont retrouvés également dans le groupe placébo (agitation, troubles de la mémoire, vertige, dyspepsie, anorexie, vomissements). En ce qui concerne la relation dose-effet entre la posologie de la Sertraline et les effets indésirables totaux, l’étude retrouve une tendance presque plate pour les doses entre 50 et 150 mg, avec même risque légèrement plus faible d’effet indésirable avec 150 mg par rapport à 50 mg, puis une tendance à la hausse des effets indésirables au-delà de 150 mg. Les auteurs en concluent donc que les patients qui tolèrent bien la dose de 50 mg pourraient être progressivement augmentés à 150 mg sans risque significatif.

Qu’en penser ? Au vu du bon profil de tolérance de la molécule entre 50 et 150 mg, la logique voudrait qu’on augmente la dose systématiquement jusqu’à au moins 150 mg chez tous les patients non totalement répondeurs qui tolèrent la dose de 50 mg. Chez les patients qui ne répondent pas à 150 mg, la logique voudrait également qu’on augmente assez systématiquement à 200 mg. Cependant, vu la cinétique des réponses visible sur les courbes présentées, on pourrait légitimement de se demander s’il ne convient pas d’augmenter plus rapidement jusqu’à 200 mg dans certaines situations. Tout l’enjeu est évidemment de savoir lesquelles, et de trouver les facteurs prédictifs de réponses en fonction des différentes doses.

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