La clozapine est un médicament largement reconnu comme traitement de référence en cas de schizophrénie qui résistent aux autres formes de traitement (c’est-à-dire à au moins 2 lignes d’antipsychotiques bien conduites).
L’équipe du Pr. Hélène Verdoux (Université de Bordeaux et Centre Hospitalier Charles Perrens) fait ainsi le constat dans une communication retranscrite dans les Annales Médico-Psychologiques que, bien que son efficacité ait été démontrée dans de multiples études scientifiques, elle demeure étonnamment sous-prescrite dans cette indication principale.

Une des solutions pour améliorer cette situation serait de mettre en œuvre des programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) spécifiquement axés sur la Clozapine. Ces programmes ont pour but, premièrement, d’encourager davantage les professionnels de santé à prescrire ce médicament lorsque c’est approprié, et deuxièmement, d’améliorer l’adhésion des patients à ce traitement. Cette amélioration de l’adhésion peut être atteinte en fournissant aux patients une compréhension approfondie du médicament, de ses effets et de son importance pour leur santé.
Après avoir rappelé l’importance des enjeux (la schizophrénie touche entre 0.7 et 1% de la population et la résistance aux traitements concerne 30% de ces patients, avec donc des conséquences très importantes), les auteurs soulèvent plusieurs hypothèses pouvant expliquer la sous-utilisation de la Clozapine, en insistant notamment sur le profil pharmacologique de la clozapine pouvant être contraignant du fait de ses nombreux effets indésirables de gravité variable et de fréquence variable (par exemple la constipation est fréquente et nécessite des règles d’hygiène de vie particulière, l’hypersialorrhée est fréquente et nécessite un traitement spécifique, l’agranulocytose est grave mais rarissime et il en est de même pour la myocardite), ce qui implique une surveillance clinique et paraclinique particulière avec notamment la fameuse surveillance hématologique hebdomadaire pendant les 18 premières semaines puis mensuelle, mais d’autres hypothèses sont liées aux réticences des prescripteurs qui peuvent manquer d’expérience, ou qui adhère peu aux principes de l’EBM, ou encore qui se plient aux habitudes locales de prescription.
Dans ce cadre, le Centre Hospitalier Charles-Perrens à Bordeaux (France) a mis en place, au sein de son Unité Transversale d’Éducation Thérapeutique du Patient (UTEP), un programme d’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) spécifiquement axé sur la clozapine. Nommé “Vivre avec la clozapine”, ce programme se concentre exclusivement sur le traitement par clozapine avec pour objectif majeur de faciliter l’accès des patients à ce traitement.
Le programme se décompose en trois sessions distinctes menées de manière individuelle avec le patient et sont dirigées par différents experts du domaine de la santé. La première et la deuxième session sont animées soit par un médecin soit par un infirmier diplômé d’État. La troisième session, quant à elle, est divisée en deux parties : la première est assurée par un pharmacien accompagné d’un médiateur en santé-pair, tandis que la deuxième est co-animée par un infirmier référent et le même médiateur en santé-pair. Avant le début du traitement et de ces sessions d’ETP, une brochure informative est remise au patient et permet un moment d’écoute et de dialogue centré sur la clozapine.
Lors de la première séance, plusieurs feuillet explicatifs sur la Clozapine sont remis au patient et discuté avec lui, cela permet d’aborder de nombreux sujets : Introduction à la clozapine, sa définition et la raison de sa prescription ; Discussion sur l’efficacité de la clozapine, les attentes relatives au traitement et les bénéfices rapportés par les utilisateurs ; Exposition de l’évolution des bénéfices avec le temps et discussion autour de la clozapinémie ; Concentration sur la gestion des effets secondaires de la clozapine ; Informations concernant la neutropénie associée à la clozapine, sa surveillance et les actions à entreprendre en cas de doute ; Conseils sur la somnolence, sa reconnaissance en tant qu’effet normal de la clozapine et les mesures appropriées à prendre.
Lors de la seconde séance des information sur les interactions potentielles entre la clozapine et d’autres médicaments ou substances psychoactives sont données, ainsi qu’une discussion sur les modes de vie qui peuvent contribuer à un meilleur rétablissement.
Enfin, la 3ème séance qui a lieu plusieurs mois après, vise à augmenter la motivation et à maintenir le rétablissement, avec notamment l’intervention d’un médiateur en santé pair aidant.

En conclusion : la Clozapine est un traitement important en psychiatrie, il fait partie des stratégies les plus efficaces dans la schizophrénie, mais également sans doutes dans d’autres pathologies (ex : bipolarité à cycle rapides) et c’est l’une des seules molécule que l’on peut prescrire chez les patients souffrant de syndrome parkinsonien car elle est à peu près dépourvue de risque moteur. Cette molécule tient une place à part dans la pharmacopée car elle agit sur beaucoup plus de récepteurs que les autres antipsychotiques. Toutes les études montrent qu’elle améliore significativement les symptômes des patients souffrant de schizophrénie résistante, et qu’elle est pourtant sous-exploitée. C’est une perte de chance pour les patients et comprendre les leviers qui permettraient d’améliorer la prescription de cette molécule est nécessaire. Certains leviers tiennent aux médecins (qu’il faudrait sensibiliser et mieux former) et d’autres aux patients (qui peuvent être réticent car le traitement n’existe pas sous forme retard, à cause des effets indésirables réels ou craint, ou à cause de la surveillance biologique adossée). Pour lutter contre ces freins, les programmes d’ETP sont probablement efficace. Il faudrait sans doute qu’une étude en montre un bénéfice médico-économique afin qu’il soit possible de les déployer sur tous les secteurs et dans tous les CHU, d’ici la, espérons que d’autres initiatives locales voient le jour.