Traitement de la dépression du sujet âgé par rTMS

L’utilisation de la Stimulation Magnétique Transcrânienne Répétitive pour traiter la dépression chez les personnes âgées est un domaine de recherche et de pratique en pleine expansion, d’autant plus que de récentes études retrouvent un intérêt de cette technique pour le traitement des troubles cognitifs. Pendant longtemps on apprenait aux étudiants que l’âge était un facteur de mauvaise réponse à la rTMS, cependant les études s’accumulent depuis quelques années pour montrer qu’il n’y a peut être pas tant de différence que cela en terme de réponse au traitement en fonction de l’âge.

La dépression est l’un des troubles de santé mentale les plus courants chez les personnes âgées, mais elle reste souvent sous-diagnostiquée et insuffisamment traitée, avec des conséquences particulièrement délétères : syndrome de glissement, aggravation des troubles somatiques associés et suicide (qui est une cause de mortalité importante après 65 ans, mais relativement tabou).

Les facteurs de risque de la dépression chez les personnes âgées sont nombreux, notamment la solitude, les deuils (d’amis, de leur famille, de leurs conjoints, etc.), les problèmes de santé physique et les changements neurobiologiques liés à l’âge. Les symptômes de la dépression chez les personnes âgées peuvent varier et ne se limitent pas à une tristesse persistante, mais peuvent inclure des symptômes somatiques, tels que la fatigue, les douleurs corporelles et les troubles du sommeil, ou le fameux syndrome de glissement que l’on a évoqué plus haut (et qui est un concept franco-français assez peu étayé en EBM mais qui traduit pourtant une réalité clinique difficile à négliger).

La détection et la gestion de la dépression chez les personnes âgées présentent des défis uniques. Les symptômes dépressifs peuvent souvent être masqués par d’autres problèmes de santé ou être attribués à des effets naturels du vieillissement. De plus, les interactions médicamenteuses et la vulnérabilité aux effets secondaires des médicaments antidépresseurs sont des préoccupations importantes chez les personnes âgées. Par conséquent, il est essentiel de développer des approches de traitement adaptées à cette population spécifique, et c’est ce qui explique l’essor des interventions non médicamenteuses (INM) dans cette classe d’âge, sensées diminuer les risques d’effet indésirables.

La luminothérapie aussi est une INM intéressante chez les sujets > 65 ans

L’un des avantages clés de la rTMS est justement son excellente tolérance, et sa non-invasivité. Contrairement à d’autres traitements, tels que l’électroconvulsivothérapie (ECT), la rTMS n’implique pas d’anesthésie générale ni de convulsions induites. Les patients restent éveillés et conscients tout au long du traitement, ce qui réduit les risques associés aux procédures plus invasives. La rTMS induit des modifications neuroplastiques, favorisant la réorganisation des circuits cérébraux dysfonctionnels, et en stimulant de manière répétée certaines régions du cerveau, la rTMS peut renforcer les connexions synaptiques et restaurer l’équilibre neurochimique altéré chez les personnes atteintes de dépression. Tout cela concoure à produire des effets antidépresseurs sans les effets secondaires fréquents associés aux médicaments antidépresseurs. Cela en fait une option de traitement attrayante pour les personnes âgées, qui peuvent être plus sensibles aux effets secondaires des médicaments.

De plus, la rTMS peut être utilisée en combinaison avec d’autres approches thérapeutiques, telles que la psychothérapie, pour un effet synergique. Elle peut également être ajustée en fonction des besoins individuels du patient en termes de fréquence, d’intensité et de localisation de la stimulation.

Néanmoins, une interrogation persiste : l’efficacité antidépressive de la rTMS chez les personnes âgées se compare-t-elle à celle observée chez les jeunes adultes, ou bien diffère-t-elle en raison des particularités du vieillissement cérébral? Cette question complexe suscite un examen approfondi des mécanismes sous-jacents de la rTMS, des différences physiologiques liées à l’âge, et des interactions complexes entre ces variables qui peuvent influencer l’efficacité de la rTMS en tant que traitement de la dépression chez les personnes âgées.

Une étude récente a été publiée dans Frontiers in Aging Neurosciences (ici) apporte des éclaircissements cruciaux sur l’utilisation de la rTMS comme outil thérapeutique pour la dépression chez les personnes âgées. Il s’agit d’une étude rétrospective et multicentrique, à l’échelle internationale. Les données ont été recueillies auprès de patients adultes souffrant d’un épisode dépressif majeur, qu’il soit lié à un trouble unipolaire ou à un trouble bipolaire de type II. Les données ont été collectées dans trois centres cliniques rTMS distincts, chacun situé dans une région différente (2 aux USA et 1 au Portugal).

La sélection des participants a été menée avec minutie, en veillant à exclure les cas où des données cruciales telles que l’âge ou le seuil moteur lors de la première session n’étaient pas disponibles. Les critères d’exclusion ont également été appliqués aux patients ayant connu un changement de dispositif de traitement en cours de traitement, ayant suivi moins de 10 sessions de traitement ou présentant un intervalle moyen de plus de 2,5 jours entre les sessions consécutives. Les chercheurs ont consigné en détail les paramètres de stimulation, notamment le dispositif de traitement, le côté de la stimulation, le protocole de stimulation, le nombre total d’impulsions par traitement, ainsi que le seuil moteur hebdomadaire.

Les patients ont été répartis en deux groupes d’âge, à savoir les patients de moins de 65 ans (le groupe des plus jeunes) et ceux âgés de 65 ans ou plus (le groupe des plus âgés). Cette distinction a permis d’explorer les différences liées à l’âge dans la réponse à la rTMS.

Afin d’évaluer l’efficacité du traitement, les chercheurs ont calculé la réponse clinique en déterminant la réduction en pourcentage des scores de sévérité de la dépression autodéclarée par rapport à la première semaine. Les patients ayant atteint une réduction d’au moins 50% de leurs symptômes entre le début et la fin du traitement sont définis comme “répondeurs”.

546 patients (dont 58,6% de femmes) ont été évalués. Parmi eux, 442 étaient âgés de moins de 65 ans, tandis que 104 étaient âgés de 65 ans ou plus.

Une observation initiale a été la différence de sévérité “baseline” de la dépression entre les deux groupes d’âge : les adultes plus jeunes avaient une sévérité de la dépression plus élevée par rapport aux adultes plus âgés sur la BDI mais pas sur la PHQ9 (!).

Le résultat principal de l’étude montre surtout qu’il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes d’âge en ce qui concerne le pourcentage de répondeurs aux semaines 4, 5 et 6 du traitement par rTMS. Les adultes plus jeunes et les adultes plus âgés ont tous montré des taux de réponse similaires, ce qui indique que la rTMS est autant efficace dans les deux groupes d’âge, avec cependant une réduction plus rapide de la sévérité de la dépression chez les adultes plus jeunes (autrement dit ils répondent plus rapidement au traitement).

Les résultats ont été confirmés même après avoir ajusté pour d’autres facteurs potentiels tels que le sexe, le dispositif de TMS, le côté de la stimulation, le protocole de stimulation, le site de traitement, l’année de traitement et le nombre total d’impulsions par traitement.

Il convient de noter que cette étude présente des limites, notamment sa conception rétrospective et multicentrique, qui limite la collecte de certaines données.

Conclusion : Cette étude offre des preuves solides de son efficacité, quel que soit l’âge du patient mais montre que les effets mettent plus de temps à se manifester chez les sujets âgés (comme avec les antidépresseurs en fait) et qu’il serait intéressant de se pencher sur des schémas de traitement plus longs dans cette population. On explique souvent qu’il est parfois nécessaire de faire effectivement plus de séances, avec parfois des intensités plus importantes (à fortiori lorsqu’il existe une atrophie corticale).

Laisser un commentaire

%d