Switcher vers le cortex orbitofrontal en basse fréquence en cas d’échec de rTMS « classique »

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La dépression résistante représente 30 à 40% des cas de dépression selon les définitions utilisées (voir article de synthèse ici). La rTMS sur le cortex dorsolatéral gauche, en haute fréquence est une technique internationalement recommandée de traitement de cet état avec des taux de rémission (disparition quasi totale des symptômes) entre 20 et 37% selon les études (pour caricaturer on dit souvent 30% de rémission et 30% de réponses c’est à dire de symptômes divisés par 2).

L’augmentation avec de la basse fréquence (1 Hz à droite) a entrainé des effets mitigés même si certaines études (notamment françaises) retrouvaient un bénéfice, et qu’il y a une étude médico-économique en cours pour essayer de l’évaluer plus finement.

Chez les patients cependant qui ne répondent pas à la rTMS classique (environ 40% des patients) d’autres sites et protocoles de stimulation peuvent s’avérer nécessaires. Une cible candidate émergente est le cortex orbito-frontal (OFC), une région centrale dans le traitement de la récompense et de la « non-récompense » et impliquée dans la physiopathologie des troubles psychiatriques. Des études préalable en neuro-imagerie et en stimulation cérébrale profonde ont notamment suggéré que l’OFC droit pourrait être une cible intéressante en rTMS.

Une première série de cas a montré une amélioration de l’humeur et de l’anhédonie après stimulation basse fréquence (1 Hz) sur l’OFC droit chez des patients qui n’avaient pas répondu au protocole classique (DLPFC mais également PFC dorsomédian). Ils ont trouvé 30% de réponse et 24% de rémission !

L’équipe bien connue de Martijn Arns et Alexander Sack, avec Amourie Prentice en premier auteur, rapporte dans une lettre à l’éditeur dans Brain Science (IF 29.3 Rang A) que eux aussi s’intéressent à cette approche et qu’ils retrouvent également une efficacité d’un protocole 1 Hz sur OFC droit chez les non répondeur au traitement en préfrontal dorsolatéral.

Grace à deux petite cohortes de patients, une aux Pays-Bas (NL) et une aux États-Unis (US), ils ont évalué dans une étude rétrospective et naturaliste l’humeur, l’anxiété et, pour l’échantillon néerlandais, le sommeil. Ainsi 41 patients souffrant de dépression résistante (25 dans la cohorte NL et 16 dans la cohorte US) ont été inclus. Les patients étaient « résistant » à plus 40 séances (NL) ou 20 séances (US) de rTMS classique.

Dans l’échantillon NL, les patients ont bénéficié en moyenne de 24 séances supplémentaires de rTMS 1 Hz sur l’OFC droit (1Hz, 60s on, 30s off, 15 trains, 120% du SM des MI) sur le point Fp2 (système 10-20) avec une bobine angulée (permettant un champs magnétique un peu plus profond).

Bobine angulée dite « papillon » 90BFVT-LQC permettant une meilleur pénétration du champs pour stimuler l’OFC

Dans l’échantillon US, les patients ont reçu une moyenne de 20 séances (1Hz, 1200 impulsions en continu, 120% du SM des MS « finger twitch » c’est à dire avec la méthode visuelle de détermination du PEM) sur le point AF8 (c’est à dire légèrement plus latéralisé)

Ils ont évalué l’évolution avec l’échelle BDI-II. Les niveaux d’anxiété ont été mesurés à l’aide de l’échelle de dépression, d’anxiété et de stress (DASS). Pour l’échantillon NL, les troubles du sommeil ont été évalués à l’aide de l’indice de qualité du sommeil de Pittsburg (PSQI), et des mesures objectives des rythmes veille-sommeil et de l’activité ont été prises à l’aide d’une montre Actigraphy.

Les résultats statistiques n’ont révélé aucune différence significative entre les deux échantillons en ce qui concerne l’âge, le sexe, l’utilisation d’antidépresseurs, la gravité de la dépression au départ ou les comorbidités.

La rTMS 1Hz OFC droit a permis d’obtenir une réponse et une rémission chez 24% des patients de la cohorte NL et une réponse chez 50% de la cohorte US avec une rémission dans 31% des cas. L’amélioration de l’humeur était particulièrement prononcée dans l’échantillon américain. En outre, les ANOVA à mesures répétées ont révélé des améliorations significatives pour les symptômes anxieux, anhédoniques, non anhédoniques, cognitivo-affectifs, somatiques et de performance, cognitifs et non cognitifs, ainsi que dans le sommeil sur le score global PSQI.

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1935861X23019307?dgcid=rss_sd_all Fig. 1. (B) Decrease in mean BDI score between pre- and post-TMS treatment (DLPFC and OFC) for the NL and US-samples. Error bars represent SEM, and effect sizes are reported with Cohen’s d. BDI=Beck Depression Inventory; DLPFC = dorsolateral prefrontal cortex; NL = Dutch sample; OFC = orbitofrontal cortex; TMS = transcranial magnetic stimulation; US=American sample.

Aucune des caractéristiques démographiques/cliniques disponibles (âge, sexe, utilisation d’antidépresseurs, BDI-II de base, groupes de symptômes, anxiété, sommeil) n’a montré d’association prédictive significative sauf pour les patients présentant une anhédonie plus importante qui ont montré une tendance de rémission plus élevée.

Les taux de rémission, allant de 24% (NL) à 31% (US), suggèrent qu’un changement stratégique du site de stimulation avec un protocole 1 Hz sur OFC droit est prometteur pour les patients ne répondant pas à la TMS classique.

Cette étude présente quelques limites, notamment l’amélioration plus prononcée de l’humeur associée à la rTMS 1Hz OFC dans l’échantillon américain pourrait être liée à des distinctions entre les deux échantillons : différents sites de stimulation de l’OFC (Fp2 vs AF8), et les patients américains ont switché de protocoles beaucoup plus tôt en moyenne que leurs homologues (échec de 40 séances chez NL vs 20 séances chez US) donc peut être que les résultats auraient été différent dans le groupe US si les patients avaient reçu plus de séances « classiques ». Par ailleurs a taille relativement petite de l’échantillon (qui pourrait être insuffisante pour détecter des prédicteurs subtils), l’absence d’un groupe de contrôle, l’hétérogénéité des caractéristiques de base et des paramètres de l’intervention entre les deux échantillons sont également problématique.

Dans une autre lettre à l’éditeur, l’équipe de Andrew F. Leuchter avec Reza Tadayonnejad en 1er auteur rapport une autre étude ouverte sur une séries de cas (33 patients) de la rTMS sur OFC droit en 1Hz chez des patients montrant une réponse limitée à 20 séances de stimulation conventionnelle en haute fréquence 10Hz du DLPFC gauche. Il s’agissait d’une population hautement résistante au traitement (ils avaient essayé en moyenne 7,7 ± 4 antidépresseurs et/ou antipsychotiques et 1,5 ± 2 lignes de psychothérapies avec une amélioration sous-optimale).

Les patients ont d’abord reçu un traitement par rTMS 10 Hz sur le DLPFC gauche (placement Beam F3, 3000 pulses, 120% SM). Chez les patients avec moins de 20% d’amélioration au bout de 10 séances sur l’échelle IDS un priming en theta burst a été réalisé (600 pulses en iTBS à 80% SM avant la stimulation à 10 Hz) car cela a démontré une augmentation de la réponse dans certaines études. Pour les sujets qui ont continué à montrer un bénéfice limité après le priming après la 20e séance de traitement ils ont ensuite reçu une augmentation séquentielle bilatérale avec 1200 pulses en 1Hz sur OFC droit (FP2 du système EEG international 10-20) à 120-140% du SM.

Il n’y a pas eu d’effets indésirables significatifs et aucun sujet n’a interrompu le traitement avant de l’avoir terminé. Après l’ajout de l’augmentation sur l’OFC (nombre moyen de séances incluant l’OFC = 15 ± 5,4), les patients ont montré une amélioration significative de la sévérité totale des symptômes, de l’humeur et des ruminations négatives. Le taux d’amélioration des symptômes était plus important après l’ajout de l’augmentation sur OFC. 24% des patients ont obtenu une réponse complète (réduction ≥50 % du PHQ-9) et 24% supplémentaires une réponse partielle (réduction de 20 à 50% du PHQ-9) à un traitement complet.

Les auteurs estiment que c’est bien la stimulation de l’OFC (et non le simple fait de faire plus de séances) qui est efficace. En effet, il a été plusieurs fois prouvé qu’une amélioration des symptômes de moins de 20% entre la 10ème et 15ème séance avait une valeur prédictive négative (VPN) entre 77 et 90% pour la réponse au traitement. Leurs patients qui avaient tous une amélioration ≤20% à la séance 20 avaient probablement une VPN encore plus élevée, ce qui rend très improbable le fait que la poursuite de la stimulation avec le même protocole aurait été bénéfique. Cette nouvelle stratégie d’augmentation séquentielle bilatérale utilisant la stimulation inhibitrice de l’OFC droit semble donc sûre, efficace et associée à une amélioration significative de l’humeur, de la rumination négative et de la sévérité globale des symptômes de la dépression.

Ces études, quoique limitées par leur caractère rétrospectif, sont tout de même très intéressantes : elles incitent à proposer un switch (ou une combinaison) vers un protocole OFC 1 Hz en cas d’échec de protocole classique après au moins 20 séances, et peut être même, compte tenu de la tendance sur l’anhédonie, il pourrait être intéressant de mener des recherches futures axées spécifiquement sur l’anhédonie afin de déterminer si elle peut réellement prédire la rémission ou la non-rémission à la suite de ce type de traitement.

De futures études intégrant des groupes de contrôle et des échantillons de plus grande taille permettraient de remédier aux limites soulevées. Mais on retient tout de même que cela pourrait être intéressant en pratique clinique pour améliorer les résultats du traitement.

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